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mercredi 29 octobre 2008

Editorial : La puissance du Bric est-elle un mirage ?


Maintenant que la crise touche le monde entier, l’idée reçue qui voulait que les pays du Bric (Brésil, Russie, Inde, Chine) ne soient pas touchés a volé en éclats. Qu’en est-il de l’idée selon laquelle les Bric ont acquis une puissance économique qui leur permettrait, sinon de diriger l’économie mondiale, au moins de peser fortement sur elle dans un sens ou dans l’autre ? Est-ce une autre idée reçue ? L’effondrement des prix des matières premières, des denrées alimentaires et du pétrole ont gravement grevé les économies du Brésil et, surtout, de la Russie. Cette dernière se voyait prendre sa revanche sur l’Occident voici quelques mois grâce à sa manne financière provenant de son pétrole et de son gaz, ces derniers lui redonnant, en outre, une puissance politique qu’elle avait perdue depuis la chute du mur de Berlin. L’évasion sans précédent des capitaux ces derniers mois, un système bancaire en débandade, un rouble qui plonge tout autant que l’indice Rts de la Bourse de Moscou ont remisé, pour un temps, la volonté de puissance des dirigeants russes qui s’évertuent pourtant encore à nier la crise économique dans leur pays tout en en rendant comme unique responsable les Etats-Unis. Le Brésil, quant à lui, avec son agriculture florissante et la découverte d’immenses gisements de pétrole sans parler d’autres matières premières en abondance sur son territoire voyait s’ouvrir une ère sans précédent de croissance. La crise, d’abord niée comme en Russie par les autorités, s’est pourtant abattue et le real (la monnaie brésilienne) ainsi que l’indice Ibovespa de la Bourse de Sao Paulo ont connu d’énormes baisses avec, à la clé, une révision à la baisse de la croissance du pays. L’Inde a claironné sans prudence que la crise ne l’atteindrait pas car non seulement ses fondamentaux économiques étaient bons mais, en plus, sa croissance dépendait essentiellement de la demande intérieure. Mais, ici comme en Russie et au Brésil, la crise ne s’est pas arrêtée à la frontière du pays et l’Inde est un des pays émergents qui a vu ses prévisions de croissance les plus revues à la baisse, certains analystes étant, en plus, très sceptiques sur les capacités de résilience de l’économie indienne mais aussi de la véracité de son miracle économique qui, en plus, ne profiterait pas à la grosse majorité de la population. La Chine, enfin, a également affirmé que la crise ne viendrait pas chez elle. Ces dernières semaines, après plusieurs révisions à la baisse des prévisions de sa croissance, les autorités ont enfin reconnue que la crise aurait des répercussions qui feront tomber sa croissance à la limite de ce qu’elle doit être pour assurer le développement du pays et fournir du travail à la masse des nouveaux arrivants sur le marché du travail chaque année. Sans parler d’une crise immobilière dont on ne sait pas encore si elle sera profonde ou non mais qui a vu les prix des logements stagner voire baisser.

On le voit, les pays du Bric sont dans le même bain que tous les autres pays du monde. Bien évidemment, ils s’en tirent mieux que les pays développés qui verront leurs économies en récession alors que pour les pays du Bric, il ne s’agira que d’une croissance en baisse. Et, pour certains comme la Russie et la Chine, leurs réserves de devises leur laissent des latitudes importantes d’intervention. Sans parler de cette demande intérieure qui pourrait faire rebondir leur économie même si celle-ci tarde à produire ses effets. Mais ces capacités de résister ne donnent pas aux pays du Bric le pouvoir sur l’économie mondiale. Tout au plus, elles leur donnent un gros avantage pour amortir les effets de la crise et une opportunité de se faire mieux entendre. D’ailleurs, ni la Chine, ni l’Inde ne désirent prendre la tête de l’économie mondiale pour l’instant. En Russie et en Brésil où cette envie était plus présente, il faudra encore attendre quelques années, voire quelques décennies. Mais ces prévisions ne valent peut-être que ce que valaient celles qui annonçaient un avenir radieux du Bric il y a seulement quelques semaines…


Alexandre Vatimbella

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