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mardi 15 décembre 2020

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. Le XXI° siècle, siècle du populisme et des totalitarismes?

Cela devait être l’ère des démocraties.

Une sorte de splendide achèvement à cette démocratisation du monde qui avait pris son essor après la Première guerre mondiale puis qui avait presque été anéantie dans les années 1930 avant de redémarrer dans ce qui semblait une marche glorieuse et porteuse d’espérances infinies après 1945 qui s’était muée en parade triomphale dans les années 1980 avec la chute du communisme, le repli partout des dictatures et, corrélativement, la naissance de régimes démocratiques aux quatre coins de la planète.

D’ailleurs, en ce début de XXI° siècle, une majorité de pays ne se revendiquent-ils pas toujours comme des démocraties et il est certain que l’on compte plus de démocraties (réelles, celles-ci) qu’à la fin de la Deuxième guerre mondiale.

Néanmoins, ce que l’on observe surtout c’est la montée en puissance des «démocraties illibérales», terme totalement impropre pour désigner ce que certains appellent plus justement des démocratures (de démocratie et dictature, dans cet ordre) et que je préfère nommer des dictacraties (de dictature et démocratie, dans cet ordre) ainsi que la radicalisation des régimes déjà autoritaires dont certains sont devenus carrément des dictatures qui n’ont rien à envier à celles tristement célèbres du siècle précédent comme en Chine par exemple.

Une sorte de retour en 1930…

Certains estiment que cette situation est la preuve de la faillite du modèle de la démocratie libérale représentative au motif qu’elle n’aurait pas remplie ses promesses et que les peuples, par ailleurs, ne seraient pas capables de se servir de cet outil.

A la première affirmation, on pourrait rétorquer que les promesses des régimes autoritaires et totalitaires n’ont, non seulement, pas été tenues, mais que cela a engendré le chaos dans les pays qui ont été sous leur joug et dans le monde entier avec la multiplication des conflits armés dont l’épisode cataclysmique de la Deuxième guerre mondiale est le plus emblématique.

A la deuxième affirmation, il faut rappeler que la démocratie est un pari sur l’humain, celui de la liberté, sachant que si celle-ci est son bien le plus précieux, elle a aussi un prix et une exigence que certains ne veulent pas payer et rechignent à faire les efforts nécessaires sans même parler de l’incapacité de la vivre qui est un défi constant pour tous ceux qui estiment qu’elle demeure le meilleur système qui puisse exister.

De même, une démocratie exige un peuple formé et informé pour que chacun de ses membres soit un citoyen responsable et respectueux de l’autre, un challenge considérable, voire colossal, que beaucoup estiment démesuré et qui n’a pas été couronné d’un succès indiscutable jusqu’à présent, il faut bien l’avouer.

En revanche, cette incapacité à vivre la liberté de manière responsable, du fait d’une inaptitude à pouvoir en appréhender correctement les règles et même souvent à les dévoyer, abouti à l’inverse du pari démocratique.

Tout cela rappelle qu’il a suffi d’une crise économique pour que les Allemands s’offrent à Hitler (la défaite de 1918 n’étant pas une des raisons principales de son accession au pouvoir même si elle fut instrumentalisée par les nazis), un peuple que l’on considérait alors comme un des plus matures et des plus formés.

C’est dire que sans réelle protection, la démocratie, dans l’attente d’une maturation des populations qui la vivent, risque de disparaitre dans la durée d’autant qu’elle contient les germes même de sa destruction par la liberté qu’elle offre aux ennemis de la liberté, non pas ceux de l’extérieur mais bien ceux de l’intérieur même des pays qui vivent sous sa loi.

Si l’on est lucide, force est de constater que les événements récents confirment une appréhension pessimiste d’une disparition progressive de la démocratie dans les décennies qui viennent avec l’émergence de régiment plus ou moins autocratiques, voire même de totalitarismes là où elle est encore établie aujourd’hui.

Est-ce inéluctable?

On aimerait bien répondre par la négative mais les arguments manquent pour étayer une telle affirmation.

Alexandre Vatimbella

mercredi 9 décembre 2020

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. Rêve versus cauchemar ou comment l’Amérique ne sera jamais plus la même

Disons le tout de suite: face à un rêve américain, celui de l’opportunité de réussir sa vie à sa façon selon ses capacités, il y a toujours eu un cauchemar américain, celui d’une société violente, inégalitaire où l’individu est broyé s’il n’est pas capable de se battre (le fameux struggle for life du darwinisme social cher à Spencer) pour vivre… le rêve américain!

Cependant, dans l’imaginaire, c’est le premier qui supplantait largement l’autre depuis toujours, que ce soit aux Etats-Unis même ou dans le monde.

Il y avait toujours cette idée romantique bien relayée par Hollywood et les sitcoms télévisés qu’au bout du compte, le rêve était bien accessible et triomphait presque toujours du cauchemar qui n’était qu’une sorte de dommage collatéral du à un manque de chance ou à un comportement déviant.

Surtout, que ce rêve était une sorte de ciment social et qu’il permettait au pays de ne jamais pencher du côté obscure de sa promesse, c'est-à-dire dans l’affrontement de chacun contre chacun dans le cadre de cette course effrénée au bonheur, dont la recherche personnelle plutôt égocentrique est affirmée dans la Constitution, et non dans une saine émulation qui unissait plus qu’elle ne confrontait, faisant que la réussite individuelle alimentait la bien être collectif.

Bien sûr, les études montrent, à chaque publication de l’une d’entre elles, que la mobilité sociale aux EtatsUnis est très faible depuis longtemps, voire depuis toujours et que le rêve individuel est plutôt une chimère, voire une escroquerie, qui fait miroiter aux pauvres une fausse possibilité de s’élever socialement et, peutêtre, de devenir de faire partie de ces milliardaires célèbres et glamours (disons tout de suite que le rêve américain est plutôt de vivre décemment dans la maison dont on est propriétaire et sans crainte du lendemain avec l’idée que ses enfants seront les dignes héritiers de l’ambition familiale qui est de monter petit à petit les échelons de l’échelle sociale que l’on ne peut gravir qu’à force de travail et de volonté).

Cependant, jusqu’à présent, dans sa dimension collective, il avait plutôt résisté comme un idéal commun, comme une référence qui unissait et rassemblait autour de valeurs fortes où l’effort, l’honnêteté, la droiture et l’amour de la patrie étaient glorifiés.

La présidence Trump a fait voler en éclats cette dernière croyance en étant, à la fois, le déclencheur et l’aboutissement du délitement du lien social et du bien vivre ensemble qui ont été délibérément attaqués avec la volonté d’être détruits par la frange radicale du Parti républicain.

Mais Trump avec ses casseroles débordant de mensonges, de corruptions, d’insultes, d’incompétences, de populismes et d’une fascination pour les régimes autoritaires, n’est que le révélateur de la crise qui était déjà là, plus ou moins larvée mais bien présente.

Le plus préoccupant dans son passage à la Maison blanche est bien le soutien, parfois fanatique, que ses agissements a recueilli auprès d’une large partie de ses concitoyens (plus de 74 millions de vote en sa faveur lors de la présidentielle 2020), déjà chauffés à blanc depuis près de quarante ans par des idéologues réactionnaires qui voient dans la désunion une possibilité de démolir l’organisation administrative du pays, en particulier les services publics tout en créant un régime de dictacratie, à l’instar que ce que l’on voit en Hongrie par exemple, soutenu par cette «Amérique profonde» qu’ils ont rendue populiste, complotiste et intolérante à force de l’avoir manipulée et endoctrinée jusqu’à la nausée (même si le terreau était fertile pour leurs agissements en témoigne les victoires de Reagan et de W. Bush).

Cette situation rappelle celle de l’Allemagne qui, avant le déferlante nazie, était un des pays les plus évolués de la planète avec des intellectuels et des savants de très haut niveau et qui, après le terrible règne hitlérien se réveilla pour ne plus jamais pouvoir être ce qu’elle était auparavant car l’ombre du régime assassin hantera toujours son histoire, un régime qui réussit à amener vers lui une majorité de la population en lui racontant des bobards et en flattant ses plus bas instincts.

Oui, le cauchemar américain est désormais à la hauteur du rêve, faisant basculer irrémédiablement les Etats-Unis dans une nouvelle ère de son histoire quelle que soit l’avenir et le legs de la mouvance populiste qui s’est réunie et cristallisée autour de Trump parce que la tâche est ici indélébile comme celle du pétainisme en France, du franquisme en Espagne ou du fascisme en Italie, liste non limitative malheureusement.

Commence donc une nouvelle ère pour les Etats-Unis, post-Trump mais pas postcauchemar collectif, loin de là, parce que celui-ci va continuer à hanter pendant longtemps la vie politique américaine comme promesse alternative au rêve, voire, par ce mécanisme de permutation déjà vu par le passé, se substituer à ce dernier pour devenir le nouveau paradigme, ce qui serait catastrophique pour la démocratie et pas seulement l’américaine.

Joe Biden va être confronté – et l’est déjà – à cette Amérique crépusculaire et apocalyptique qui se repait jusqu’à plus soif de haine et de violence, d’exclusion et de conflit où l’autre n’est plus le miroir de soi même mais le repoussoir emblématique, qui, si elle n’est pas encore majoritaire, ne cesse de progresser.

Son centrisme, sa volonté de consensus et de compromis, son empathie et son respect de la dignité de l’autre ne seront pas de trop pour inverser le cours d’une histoire qui semble déjà écrite.

Reste qu’un pays qui a élu et réélu Barack Obama et qui a donné une majorité de voix à Hillary Clinton possède aussi la capacité de réagir à cette menace qui est tout sauf virtuelle.

Parce que ce rêve américain, même s'il a toujours été largement hypothétique, recèle une espérance qui vaut le coup de se battre pour qu'il devienne réalité.

Parce que refuser le cauchemar est aussi la promesse de cette idée qui s’appelle Etats-Unis.