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jeudi 29 juin 2023

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. De la pratique de la liberté au troisième millénaire, défi à la démocratie?

Tout a été dit et redit, écrit et réécrit sur la liberté.

Mais ce qui m’intéresse ici, c’est de constater comment elle est perçue et vécue en ce 21e siècle, le premier de notre troisième millénaire.

D’abord, un petit rappel utile de ce que l’on entend par liberté dans une société démocratique donc dans une communauté de plusieurs personnes qui partagent le même espace et qui sont assujetties aux mêmes règles, société qui a vocation à donner le plus d’autonomie à l’individu sans rompre l’indispensable lien social.

Ainsi que l’énonce l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, «la liberté consiste à faire tout ce qui ne nuit pas à autrui».

Donc la liberté de l’un s’arrête là où commence la liberté de l’autre.

La liberté n’est donc pas de faire tout ce que l’on veut sans frein, ni limite, ce qui est le dévoiement de la liberté, c’est-à-dire la licence.

On parle donc ici de liberté responsable et respectueuse, la seule qui peut avoir cours dans une société d’individus égaux.

La question est de savoir si nous sommes en ce début de troisième millénaire dans cette définition ou si nous nous sommes affranchi de celle-ci dans nos pratiques de la liberté en en modifiant les termes et en revendiquant le droit à transgresser ses limites, pour, concrètement, se rapprocher de la licence et s’éloigner des notions fondamentales de responsabilité et de respect.

Car deux constats s’imposent au vu du fonctionnement actuel des régimes démocratiques.

Le premier est que la démocratie est allée plus vite que le citoyen.

Le deuxième est que la liberté dans une démocratie est largement instrumentalisée et dévoyée par les individus et les peuples qui en bénéficie.

Premier constat, la démocratie est allée plus vite que le citoyen.

Nous savons que pour que la démocratie vive et se développe pleinement selon ses valeurs, ses principes et ses règles, il est indispensable que le citoyen qui vit sous son régime soit bien formé et bien informé pour qu’il soit complètement responsable de lui-même, dans tous les sens du terme, c’est-à-dire responsable du choix de ses actes mais aussi qu’il ne dépende de personne pour choisir et construire son propre projet de vie par rapport à son individualité qu’il façonne au cours de son existence.

Or, ce citoyen n’existe pas ou peu!

Oui, nous avons fait des progrès depuis l’invention de la démocratie moderne aux Etats-Unis et en France au 18e siècle.

Mais les populations n’ont pas atteint le degré de maturité démocratique alors même que la démocratie, elle, s’est développée et offre au citoyen la réelle possibilité de son autonomie.

Ce hiatus recèle des risques énormes pour la liberté.

D’autant que, second constat, loin de ne pas utiliser son autonomie, c’est-à-dire de sa liberté d’agir en tant que personne indépendante et émancipée, le citoyen la pratique sans restriction mais de manière irresponsable, égocentrique, irrespectueuse et consumériste avec insatisfaction et des revendications d’assistanat, ce qui corrompt fortement et la liberté, et l’égalité et la fraternité, piliers de la démocratie moderne.

Dès lors l’exercice effectif de la liberté dans ce troisième millénaire risque de détruire… la liberté.

Car cette liberté débridée et sans responsabilité s’apparente bien plus à de la licence, c’est-à-dire une liberté irresponsable et irrespectueuse.

Les adversaires de la liberté affirment que cette situation est logique, la plupart des individus n’étant pas capables d’exercer leurs libertés et que systématiquement ils s’affranchissent  des freins et des limites nécessaires à l’existence d’un régime démocratique.

Ses partisans, eux, estiment qu’il est possible de créer ce citoyen responsable et respectueux.

Mais ils savent également que nous ne sommes pas encore parvenus à le faire à l’échelle d’une société entière, nulle part, et que l’avancée de la démocratie impose des résultats rapides alors même que le temps long est souvent nécessaire pour insuffler les bons comportements à une population.

C’est là, d’ailleurs, que se trouve une des faiblesses, voire la principale faiblesse, de la démocratie dans son échec relatif mais bien réel de n’avoir pas réussi à permettre aux peuples qui vivent sous son régime d’être en capacité de la vivre sans la menacer.

On connait la méthode pour y parvenir sauf qu’aucun pays démocratique n’a jamais mis les moyens suffisant pour cela, soit par totale négligence, soit par la croyance ridicule que le temps ferait le travail à la place des humains.

Cette erreur, voire cette faute, paradoxalement, permet de demeurer raisonnablement optimiste sur l’avenir de la démocratie en ce troisième millénaire mais si et seulement si nous investissons massivement dans ce citoyen responsable et respectueux.

On peut affirmer que nous sommes à un moment-clé des démocraties.

Soit celles-ci sont capables d’amener leurs populations à un état qui leur permet de vivre en et la démocratie, soit l’autonomisation débridée de l’individu qui s’étend d’années en années l’emportera.

Une autonomie qui détruira le lien social qui soutient l’existence de la liberté, celle qui permet la vie en société démocratique, amenant soit le chaos ou un régime totalitaire, voire un chaos qui induira la survenance d’un régime totalitaire.

Rien n’est perdu mais rien n’est gagné non plus.

Alexandre Vatimbella

 


Point de vue. Ce ne sont que les réseaux sociaux: oui et non

Pour ceux qui utilisent les réseaux sociaux tout en les observant, une fatigue et une lassitude devant la haine, le mensonge, la bêtise et l’inculture qui s’y affichent avec fierté provoquent une grande désespérance.

On se dit alors que ce ne sont que les réseaux sociaux, la version moderne des déplorables et souvent abjectes discussions de comptoir dans les bars tabacs où l’on retrouvait tous ces comportements qui font honte au genre humain.

Mais, immédiatement, on corrige cette opinion parce que les réseaux sociaux aussi indigents soient-ils en grande partie sont aussi l’endroit où les décideurs politiques et les médias viennent chercher de l’information et la relayer pour le meilleur, exceptionnellement, et pour le pire, de manière beaucoup trop récurrente.

Or donc, qu’on le veuille ou non, qu’on s’en félicite ou qu’on le regrette amèrement, les réseaux sociaux ont un poids politique.

Les défenseurs de la démocratie et des libertés de pensée, d’opinion et d’expression sont dans une grande détresse car voilà un outil fait pour cette démocratie et ces libertés et qui, pourtant, les menacent.

La régulation de ces réseaux (ainsi que d’internet, plus généralement) est une solution mais aussi une possible négation des libertés démocratiques susmentionnées.

Ainsi, quand vous exprimez une opinion, personne ne dit qu’elle doit être juste ou même s’appuyer sur une «vérité» démontrée.

Bien entendu, le mensonge quand il appelle à la haine, quand il diffame doit être réprimé.

Autrement, il ne peut être empêché, seulement combattu par les faits.

Malheureusement, on se soucie trop peu de ces faits sur les réseaux sociaux puisque l’on est là pour donner son opinion et, surtout, sa vérité qui est évidemment, pour soi, la seule acceptable et légitime.

On pourrait parier sur un désintérêt progressif de ces réseaux qui amènent la confusion plutôt que la lumière pour ceux qui s’en servent.

Ce serait oublier que ce que nous sommes des êtres communicants et qu’échanger par la parole et l’écrit est notre quotidien.

Les réseaux sociaux, de ce point de vue, ne sont qu’un outil extraordinaire.

Bien entendu, ils permettent à toute une faune de minable et de médiocres, pire d’enragés violents, d’avoir une sorte de tribune à laquelle, qu’on le veuille ou non, on est confronté si l’on les utilise.

Et ils parviennent, non seulement, à toucher leurs congénères mais aussi la sphère politico-médiatique qui, bien évidemment, les instrumentalisent pour ses propres intérêts idéologiques et/ou commerciaux.

Alors, oui, ce ne sont que des réseaux sociaux mais ils sont un reflet saisissant de notre immaturité tant intellectuelle que politique et pourrait être, in fine, les cimetières de nos libertés.

 

mercredi 28 juin 2023

Commentaire. Peut-on se débarrasser de Trump?

Une fois les crimes de Staline mis au grand jour, une fois la défaite d’Hitler et la découverte de son ignominie, on croyait que le stalinisme et l’hitlérisme seraient bannis à jamais, qu’ils croupiraient bien au tréfond des poubelles de l’Histoire et que plus personne n’oserait s’en revendiquer tout comme pour le maoïsme et quelques autres «ismes» aux millions de victimes.

Mais ce n’est pas ce qui s’est passé…

Il y a encore des nazis et des staliniens ainsi que des maoïstes, des fascistes et autres franquistes.

Et malgré ses agissements, ses mensonges, sa tentative de coup d’Etat, il y a encore des trumpistes et il est certain que le trumpisme a encore de l’avenir.

Se débarrasser une bonne fois pour toute de Donald Trump alors qu’il est mis en examen et que le nombre de faits criminels qui lui sont reprochés s’allongent de jour en jour semble être une douce illusion.

Non seulement il a encore un nombre conséquent de fan(atiques) qui ne jurent que par lui comme on a pu à nouveau le constater à Miami ce 13 juin ou à New York il y a deux mois mais il continue à être soutenu par une grande parti des républicains ce qui lui permet d’encore espérer être leur candidat en 2024 et reconquérir la Maison blanche ce qui lui donnerait une impunité – comme l’a obtenu son ami Netanyahou en Israël en se faisant élire premier ministre malgré des faits de corruption avérés –, à moins que la justice aille plus vite et l’empêche de se présenter (précisions que selon les sondages actuels, il n’a guère de chance de l’emporter face à Joe Biden).

Même en prenant en compte l’existence d’une frange de la population américaine aussi inculte qu’extrémiste, les fameux «déplorables» dénoncés par Hillary Clinton ainsi que la popularité immense d’un personnage qui a réussi grâce aux médias à être une sorte d’icône américaine, on ne peut expliquer que ses comportements n’aient pas définitivement mis un terme à son parcours public.

Quoi qu’il en soit, il faudra encore du temps pour que Donald Trump soit un mauvais souvenir pour la démocratie.

Peut-être faudra-t-il attendre sa disparition.

En attendant, il convient de ne pas baisser la garde sachant que le populiste extrémiste et démagogue est également l’incarnation de mouvements qui, même lorsqu’il aura disparu, seront encore dangereux et chercheront une autre tête de gondole pour s’attaquer à la démocratie.

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. La démocratie du 21e siècle broyée par elle-même?

Le refus de réalité n’est pas nouveau. De même que l’opposition violente entre différentes «vérités». En revanche, la sombre et effrayante nouveauté est que les nouvelles technologies de l’information ont permis à ces phénomènes de prendre une dimension jamais vue. Mais c’est bien le dévoiement des valeurs, principes et règles de la démocratie qui est au cœur du problème.

Si la démocratie n’a pas encore réussi à faire d’un individu un citoyen responsable de sa vie et respectueux de la dignité des autres, en revanche elle lui a donné les attributs de cette citoyenneté qu’il a utilisé à l’exact inverse.

Ainsi en est-il de son autonomie qui n’a de sens que si elle s’accompagne de cette responsabilité et de ce respect.

Sinon, elle est la porte ouverte à tous les débordements que nous connaissons où le «moi, je» non seulement prégnant mais souvent seul moteur des comportements de l’individu pervertit cette autonomisation où l’on se croit une sorte de maître du monde, tout au moins de soi sans en avoir les capacités, surtout sans en respecter les règles.

Dès lors, ce n’est plus la réalité qui est importante mais une soi-disant réalité que l’on crée pour soi (et que l’on peut partager avec d’autres) et qui est en choc frontal avec la réalité de l’autre sans plus aucune médiation de la «vraie» réalité.

Une autonomie qui décomplexe également les comportements qui deviennent plus agressifs et parfois violents et même très violents avec l’autre qui est désormais considéré comme un ennemi et non un même membre de sa communauté, de la société que l’on partage.

Evidemment, cela fait les affaires des idéologies extrémistes et populistes ainsi que des démagogues mais aussi des régimes autocratiques et totalitaires étrangers ainsi que de leurs agents dans les démocraties.

Ce qu’il y a d’inquiétant c’est le dénuement dans lequel se trouvent les démocraties républicaines pour répondre rapidement et avec efficacité à ce défi qui pourrait les broyer à terme.

Car ce n’est que dans la formation et l’information de l’individu que l’on peut agir profondément pour que les valeurs humanistes ne soient pas des armes qui détruisent la démocratie, c’est-à-dire la liberté, l’égalité, le respect de la dignité de l’autre et la solidarité.

C’était le pari de la démocratie et cela le demeure.

En attendant – mais il ne faudrait pas attendre trop longtemps – la seule manière de lutter pour la démocratie et ses partisans est ce combat de Sisyphe, chaque jour, chaque heure, chaque minute, chaque seconde recommencé de contrer les phénomènes destructeurs de cette autonomisation à la fois égocentrique, assistée, irresponsable, insatisfaite, irrespectueuse et consumériste ainsi que de ces demandes de sur-reconnaissance et de sur-égalité illégitimes sans oublier ceux qui s’en servent pour affaiblir la démocratie et la faire disparaitre in fine. (1)

Alexandre Vatimbella

(1) Pour ceux que cela intéresse, ils peuvent se référer à mon ouvrage «L’individu du 21e siècle, le grand prédateur de la démocratie»