Les Actualités sur www.ecoinfosmonde.com

mardi 15 décembre 2020

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. Le XXI° siècle, siècle du populisme et des totalitarismes?

Cela devait être l’ère des démocraties.

Une sorte de splendide achèvement à cette démocratisation du monde qui avait pris son essor après la Première guerre mondiale puis qui avait presque été anéantie dans les années 1930 avant de redémarrer dans ce qui semblait une marche glorieuse et porteuse d’espérances infinies après 1945 qui s’était muée en parade triomphale dans les années 1980 avec la chute du communisme, le repli partout des dictatures et, corrélativement, la naissance de régimes démocratiques aux quatre coins de la planète.

D’ailleurs, en ce début de XXI° siècle, une majorité de pays ne se revendiquent-ils pas toujours comme des démocraties et il est certain que l’on compte plus de démocraties (réelles, celles-ci) qu’à la fin de la Deuxième guerre mondiale.

Néanmoins, ce que l’on observe surtout c’est la montée en puissance des «démocraties illibérales», terme totalement impropre pour désigner ce que certains appellent plus justement des démocratures (de démocratie et dictature, dans cet ordre) et que je préfère nommer des dictacraties (de dictature et démocratie, dans cet ordre) ainsi que la radicalisation des régimes déjà autoritaires dont certains sont devenus carrément des dictatures qui n’ont rien à envier à celles tristement célèbres du siècle précédent comme en Chine par exemple.

Une sorte de retour en 1930…

Certains estiment que cette situation est la preuve de la faillite du modèle de la démocratie libérale représentative au motif qu’elle n’aurait pas remplie ses promesses et que les peuples, par ailleurs, ne seraient pas capables de se servir de cet outil.

A la première affirmation, on pourrait rétorquer que les promesses des régimes autoritaires et totalitaires n’ont, non seulement, pas été tenues, mais que cela a engendré le chaos dans les pays qui ont été sous leur joug et dans le monde entier avec la multiplication des conflits armés dont l’épisode cataclysmique de la Deuxième guerre mondiale est le plus emblématique.

A la deuxième affirmation, il faut rappeler que la démocratie est un pari sur l’humain, celui de la liberté, sachant que si celle-ci est son bien le plus précieux, elle a aussi un prix et une exigence que certains ne veulent pas payer et rechignent à faire les efforts nécessaires sans même parler de l’incapacité de la vivre qui est un défi constant pour tous ceux qui estiment qu’elle demeure le meilleur système qui puisse exister.

De même, une démocratie exige un peuple formé et informé pour que chacun de ses membres soit un citoyen responsable et respectueux de l’autre, un challenge considérable, voire colossal, que beaucoup estiment démesuré et qui n’a pas été couronné d’un succès indiscutable jusqu’à présent, il faut bien l’avouer.

En revanche, cette incapacité à vivre la liberté de manière responsable, du fait d’une inaptitude à pouvoir en appréhender correctement les règles et même souvent à les dévoyer, abouti à l’inverse du pari démocratique.

Tout cela rappelle qu’il a suffi d’une crise économique pour que les Allemands s’offrent à Hitler (la défaite de 1918 n’étant pas une des raisons principales de son accession au pouvoir même si elle fut instrumentalisée par les nazis), un peuple que l’on considérait alors comme un des plus matures et des plus formés.

C’est dire que sans réelle protection, la démocratie, dans l’attente d’une maturation des populations qui la vivent, risque de disparaitre dans la durée d’autant qu’elle contient les germes même de sa destruction par la liberté qu’elle offre aux ennemis de la liberté, non pas ceux de l’extérieur mais bien ceux de l’intérieur même des pays qui vivent sous sa loi.

Si l’on est lucide, force est de constater que les événements récents confirment une appréhension pessimiste d’une disparition progressive de la démocratie dans les décennies qui viennent avec l’émergence de régiment plus ou moins autocratiques, voire même de totalitarismes là où elle est encore établie aujourd’hui.

Est-ce inéluctable?

On aimerait bien répondre par la négative mais les arguments manquent pour étayer une telle affirmation.

Alexandre Vatimbella

mercredi 9 décembre 2020

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. Rêve versus cauchemar ou comment l’Amérique ne sera jamais plus la même

Disons le tout de suite: face à un rêve américain, celui de l’opportunité de réussir sa vie à sa façon selon ses capacités, il y a toujours eu un cauchemar américain, celui d’une société violente, inégalitaire où l’individu est broyé s’il n’est pas capable de se battre (le fameux struggle for life du darwinisme social cher à Spencer) pour vivre… le rêve américain!

Cependant, dans l’imaginaire, c’est le premier qui supplantait largement l’autre depuis toujours, que ce soit aux Etats-Unis même ou dans le monde.

Il y avait toujours cette idée romantique bien relayée par Hollywood et les sitcoms télévisés qu’au bout du compte, le rêve était bien accessible et triomphait presque toujours du cauchemar qui n’était qu’une sorte de dommage collatéral du à un manque de chance ou à un comportement déviant.

Surtout, que ce rêve était une sorte de ciment social et qu’il permettait au pays de ne jamais pencher du côté obscure de sa promesse, c'est-à-dire dans l’affrontement de chacun contre chacun dans le cadre de cette course effrénée au bonheur, dont la recherche personnelle plutôt égocentrique est affirmée dans la Constitution, et non dans une saine émulation qui unissait plus qu’elle ne confrontait, faisant que la réussite individuelle alimentait la bien être collectif.

Bien sûr, les études montrent, à chaque publication de l’une d’entre elles, que la mobilité sociale aux EtatsUnis est très faible depuis longtemps, voire depuis toujours et que le rêve individuel est plutôt une chimère, voire une escroquerie, qui fait miroiter aux pauvres une fausse possibilité de s’élever socialement et, peutêtre, de devenir de faire partie de ces milliardaires célèbres et glamours (disons tout de suite que le rêve américain est plutôt de vivre décemment dans la maison dont on est propriétaire et sans crainte du lendemain avec l’idée que ses enfants seront les dignes héritiers de l’ambition familiale qui est de monter petit à petit les échelons de l’échelle sociale que l’on ne peut gravir qu’à force de travail et de volonté).

Cependant, jusqu’à présent, dans sa dimension collective, il avait plutôt résisté comme un idéal commun, comme une référence qui unissait et rassemblait autour de valeurs fortes où l’effort, l’honnêteté, la droiture et l’amour de la patrie étaient glorifiés.

La présidence Trump a fait voler en éclats cette dernière croyance en étant, à la fois, le déclencheur et l’aboutissement du délitement du lien social et du bien vivre ensemble qui ont été délibérément attaqués avec la volonté d’être détruits par la frange radicale du Parti républicain.

Mais Trump avec ses casseroles débordant de mensonges, de corruptions, d’insultes, d’incompétences, de populismes et d’une fascination pour les régimes autoritaires, n’est que le révélateur de la crise qui était déjà là, plus ou moins larvée mais bien présente.

Le plus préoccupant dans son passage à la Maison blanche est bien le soutien, parfois fanatique, que ses agissements a recueilli auprès d’une large partie de ses concitoyens (plus de 74 millions de vote en sa faveur lors de la présidentielle 2020), déjà chauffés à blanc depuis près de quarante ans par des idéologues réactionnaires qui voient dans la désunion une possibilité de démolir l’organisation administrative du pays, en particulier les services publics tout en créant un régime de dictacratie, à l’instar que ce que l’on voit en Hongrie par exemple, soutenu par cette «Amérique profonde» qu’ils ont rendue populiste, complotiste et intolérante à force de l’avoir manipulée et endoctrinée jusqu’à la nausée (même si le terreau était fertile pour leurs agissements en témoigne les victoires de Reagan et de W. Bush).

Cette situation rappelle celle de l’Allemagne qui, avant le déferlante nazie, était un des pays les plus évolués de la planète avec des intellectuels et des savants de très haut niveau et qui, après le terrible règne hitlérien se réveilla pour ne plus jamais pouvoir être ce qu’elle était auparavant car l’ombre du régime assassin hantera toujours son histoire, un régime qui réussit à amener vers lui une majorité de la population en lui racontant des bobards et en flattant ses plus bas instincts.

Oui, le cauchemar américain est désormais à la hauteur du rêve, faisant basculer irrémédiablement les Etats-Unis dans une nouvelle ère de son histoire quelle que soit l’avenir et le legs de la mouvance populiste qui s’est réunie et cristallisée autour de Trump parce que la tâche est ici indélébile comme celle du pétainisme en France, du franquisme en Espagne ou du fascisme en Italie, liste non limitative malheureusement.

Commence donc une nouvelle ère pour les Etats-Unis, post-Trump mais pas postcauchemar collectif, loin de là, parce que celui-ci va continuer à hanter pendant longtemps la vie politique américaine comme promesse alternative au rêve, voire, par ce mécanisme de permutation déjà vu par le passé, se substituer à ce dernier pour devenir le nouveau paradigme, ce qui serait catastrophique pour la démocratie et pas seulement l’américaine.

Joe Biden va être confronté – et l’est déjà – à cette Amérique crépusculaire et apocalyptique qui se repait jusqu’à plus soif de haine et de violence, d’exclusion et de conflit où l’autre n’est plus le miroir de soi même mais le repoussoir emblématique, qui, si elle n’est pas encore majoritaire, ne cesse de progresser.

Son centrisme, sa volonté de consensus et de compromis, son empathie et son respect de la dignité de l’autre ne seront pas de trop pour inverser le cours d’une histoire qui semble déjà écrite.

Reste qu’un pays qui a élu et réélu Barack Obama et qui a donné une majorité de voix à Hillary Clinton possède aussi la capacité de réagir à cette menace qui est tout sauf virtuelle.

Parce que ce rêve américain, même s'il a toujours été largement hypothétique, recèle une espérance qui vaut le coup de se battre pour qu'il devienne réalité.

Parce que refuser le cauchemar est aussi la promesse de cette idée qui s’appelle Etats-Unis.

 

 

samedi 24 octobre 2020

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. La faillite de l’individu responsable?

La crise de la covid19 est un révélateur symptomatique de premier ordre sur les comportements humains, non pas seulement dans ce qu’elle pourrait enseigner de nouveau ou de cacher mais également dans ce qu’elle confirme un certain nombre de réflexions sur l’évolution des rapports sociaux et des comportements individuels ainsi que de grandes tendances les concernant dans les démocraties républicaines.

Un des fondements de l’existence pérenne de ces dernières est l’émergence, par la formation et l’information, d’un individu responsable, c'est-à-dire d’un citoyen capable de savoir et comprendre où est son intérêt mais aussi, de manière tout aussi prégnante, de savoir et comprendre où est sa responsabilité dans le collectif où il vit, en un mot être un citoyen, celui qui est capable, dans le cadre du lien social, d’utiliser au mieux ses droits et de respecter du mieux ses devoirs.

Or, le système politique des démocraties du XXI° siècle semble faillir à produire une telle personne et, au contraire, à faire émerger un humain à l’autonomie irresponsable, égoïste, irrespectueux au comportement essentiellement consumériste, n’ayant retenu du savoir qu’il lui est transmis que la réalisation de ses désirs par ces droits sans se préoccuper le moins du monde du bien vivre ensemble et des règles essentielles qui sont à sa base, c'est-à-dire ses devoirs.

Et une démocratie républicaine responsable ne peut pas survivre éternellement sans individus responsables.

L’impossibilité de parvenir à cette conscience et d’agir en regard des valeurs humanistes qu’elle véhicule par la majorité des membres de celles-ci montre qu’elles butent sur un mur dont il faut se demander sérieusement s’il est fait de briques que l’on peut desceller les unes après les autres comme l’espéraient ses premiers promoteurs ou s’il est constitué d’un béton armé inattaquable.

La réalité actuelle semble malheureusement devoir privilégier la deuxième composition.

La montée des populismes où les revendications égocentriques ne sont aucunement contrebalancées par des comportements altruistes en est une preuve tout comme les comportements égocentriques dans cette crise pandémique que nous vivons en ce moment où l’on entend plus des récriminations sur le devoir faire attention à l’autre, le plus faible et le plus exposé au virus – cet autre qui serait un empêcheur de jouir –, que la reconnaissance de l’obligation morale de respecter l’autre en appliquant les règles sanitaires pourtant d’une simplicité extrême mais, oui, contraignantes.

Cette situation se retrouve dans le monde entier et pas seulement en France.

De même, il ne faut pas obscurcir à l’extrême le tableau, beaucoup de personnes agissent de manière responsable et respectueuse de la dignité de l’autre.

Cependant, 244 ans après la guerre d’indépendance des Etats-Unis, 231 ans après la Révolution française qui furent des moments-clés dans l’émergence de la démocratie républicaine et de régimes s’en réclamant, force est de constater que nous sommes encore loin de pays composés que de citoyens, pire, que cet espoir d’émancipation qu’elle porte a été détourné vers des aspirations uniquement narcissiques, pour la satisfaction unique des égos et de plaisirs immédiats.

Ce qu’il faut bien comprendre ici, le point essentiel, c’est que la faillite de l’individu responsable – qui n’est pas encore totale et peut-être pas inéluctable – sera suivie très vite de celle de la démocratie républicaine.

La découverte de vaccins et de traitements pour soigner la covid19 est un espoir que nous voulons tous voir réaliser au plus vite pour sauver le plus de vies possibles et nous permettre de ne pas sombrer dans le chaos politique, économique, social, sociétal et international.

Mais, sur le fond, cela ne règlera pas la question existentielle de l’individu responsable.

Et une fois cette crise terminée, elle n’aura sans doute même pas été un élément de prise de conscience sur la nécessité d’un vivre ensemble humaniste comme nous l’enseigne malheureusement l’Histoire.

 

Alexandre Vatimbella

samedi 23 mai 2020

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. Le rêve chinois en passe de détrôner le rêve américain?


Au moment où l’épidémie de la covid19, comme un symbole, vient de Chine et frappe en intensité d’abord les Etats-Unis, on parle souvent de la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine, de la guerre économique ou financière, voire de la guerre tout court que les deux pays pourraient se livrer dans un avenir plus ou moins proche.
Mais on parle peu de la guerre des «rêves».
Or, ce combat pourrait s’avérer, si ce n’est plus important que les autres, en tout cas aussi crucial pour l’avenir des deux pays mais aussi pour l’Humanité entière.
Avant de rentrer dans le vif du sujet, une remarque: il ne s’agit pas ici d’opposer deux hommes mégalomanes qui sont en train de détruire la liberté, Xi Jinping et Donald Trump.
Si le premier est le principal promoteur du rêve chinois, il n’en est pas le seul créateur, ni même, in fine, le dépositaire.
Quant au second, s’il est sans doute un bénéficiaire d’une des interprétations du rêve américain, ses faits et gestes ne traduisent en rien ce que ce concept représente ou devrait représenter.
L’opposition n’est pas, non plus, entre deux cultures, l’une qui serait «holistique», la chinoise, et l’autre qui serait «individualiste», l’américaine car, non seulement, cette distinction est largement fausse mais elle n’est pas le fondement entre les deux «rêves» comme ne l’est pas ce fantasme répétitif et lassant qui voudrait que les Chinois ne seraient pas fait pour la démocratie – les Hongkongais et les Taïwanais ont fait un sort définitif à cette stupidité – ou, cet autre, qui affirme que les Américains seraient les défenseurs intransigeants et absolus de la liberté.
Rappelons succinctement ce que sont ces deux rêves.
A tout seigneur, tout honneur, le fameux «rêve américain», terme inventé en 1931 par l’historien James Adams Truslow, dans son livre «L’épopée de l’Amérique» («The Epic of America»).
Ce rêve demeure le concept le plus emblématique de ce que recouvrent les Etats-Unis à la fois comme pays, comme nation et comme idéal.
Des premiers pèlerins qui accostèrent sur les côtes du Massachussetts au XVII° siècle aux illégaux sud-américains qui traversent quotidiennement la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis en passant par tous les Européens qui débarquèrent à Ellis Island, tous ceux qui ont décidé un jour de partir vers cette terre promise moderne le recherchaient.
Comme cela reste le cas de tous les Américains d’aujourd’hui, descendants des uns et des autres.
On peut le qualifier lapidairement par la formule «avoir une vie meilleure».
C’est à la fois concis et précis mais ne donne aucunement la dimension multiple qu’il a toujours eue.
On peut même affirmer que chacun des Américains, plus, chacun de nous, habitants de la planète, a son propre «rêve américain».
Ce qui fait qu’il est «américain» depuis plus de deux siècles, vient de cette croyance qu’il est possible de le réaliser aux Etats-Unis et pas ailleurs, ce pays où même la Constitution reconnaît à tout citoyen le droit à «la poursuite du bonheur».
Passons au rêve chinois créé à l’orée du XXI° siècle et qui, selon une définition donnée par l’agence de presse officielle du Parti communiste chinois Xinhua, est de faire de la Chine «une nation socialiste moderne, prospère, puissante, démocratique, culturellement avancée et harmonieuse».
Et Xinhua, pour expliquer tout l’intérêt stratégique de ce «rêve» cite Kim Jin Ho, un universitaire Sud-coréen, qui déclare qu’«une nation sans rêve ne pourra pas survivre dans la compétition entre toutes les nations de la Terre. Si la Chine veut faire la différence (...), elle se doit d'avoir un rêve et de le poursuivre sans relâche».
Ce qui est intéressant dans la définition de ce rêve, c’est qu’il est avant tout celui d’une entité, la «nation» qui retentira alors sur chaque Chinois ce qui s’oppose diamétralement au «rêve américain» qui est avant tout individuel et qui, collectivement, n’est que la somme des rêves de chaque individu, c’est-à-dire la réussite de sa vie, à la fois, spirituellement, intellectuellement et matériellement.
Un rêve vient donc d’en haut (le chinois) et l’autre d’en bas (l’américain) si l’on veut schématiser.
Plus profondément, c’est bien l’Etat chinois qui est le pourvoyeur du rêve alors que l’Etat américain n’en est que le facilitateur.
D’un côté, une vision holistique du rêve, de l’autre une recherche personnelle.
Bien entendu, pour que le «rêve américain» puisse se réaliser, il faut comme condition préalable, l’existence d’une démocratie libérale qui garantit la liberté à chacun.
En revanche, le «rêve chinois» n’a guère besoin de cette liberté, sa caractéristique première étant de créer une société «harmonieuse» par le socialisme scientifique, c’est-à-dire par une voie unique à laquelle chacun doit se plier.
Au-delà de cette différence fondamentale de l’essence même de ces deux rêves, il faut aussi savoir quel est celui qui est le plus capable de rendre heureux chaque individu ainsi que le peuple.
Même si la notion de «bonheur» est difficile à apprécier (chacun en a une définition propre et l’état de bonheur est très difficile à établir sur la durée), force est de reconnaître que les deux rêves ne le produisent pas forcément.
Aux Etats-Unis, il est de plus en plus difficile de s’élever socialement et beaucoup n’ont pas la possibilité de se réaliser grâce à leurs capacités.
L’ascenseur social est largement en panne depuis des décennies comme le montrent toutes les études sur le sujet.
En Chine, si une classe moyenne a émergé ces vingt dernières années, il y a eu aussi l’avènement d’une caste de super-riches qui, pour la plupart, ont réussi, non pas avant tout grâce à leurs talents, mais essentiellement par les prébendes et la corruption alors que la majorité de la population continue à vivre dans la pauvreté avec peu de chances de s’élever socialement.
Dans les deux pays, le rêve demeure donc plus une chimère qu’un but atteignable pour la majorité de la population.
Néanmoins, certains y parviennent aux Etats-Unis et en Chine grâce à leurs capacités et leurs talents.
Pour autant, les Américains qui réalisent leurs rêves le font libres et sans l’angoisse qu’un système coercitif remettent en cause leur réussite.
En revanche, en Chine, beaucoup de ceux qui s’en sortent le font en évitant de s’occuper de tâches qui fâchent et leurs réussites restent à la merci d’une décision arbitraire de l’administration et/ou du pouvoir politique.
C’est d’ailleurs pourquoi ceux qui réussissent le mieux – mais plus seulement – sont ceux qui, aujourd’hui, s’expatrient de plus en plus à l’étranger, en Europe, en Australie et ailleurs.
Et les plus riches d’entre eux ne rêvent que de s’installer aux Etats-Unis.
La réciproque, elle, n’est pas d’actualité: peu de milliardaires américains pensent s’établir en Chine.
Là, peut-être, est ce qui caractérise le mieux la différence entre les deux rêves…
Pourquoi donc le rêve chinois pourrait, dans un avenir proche, supplanter le rêve américain?
Tout simplement parce qu’il est issu d’un pays qui est en passe de devenir la première puissance économique et qui pourrait également devenir la plus grande puissance militaire.
Cette réussite qui ne devrait fondamentalement pas être remise en question avec la crise de la covid19 (il se peut même qu’elle le booste) est, pour beaucoup de pays ou d’individus, un modèle à copier.
Mais, dans sa volonté de dominer le monde, la Chine peut tenter de l’imposer, ou par la force (dans sa zone d’influence rapprochée), ou par le biais d’une emprise économique (avec une pression sur les Etats pour qu’ils s’inspirent du régime communiste de Pékin ou, tout simplement, qu’ils ne soient pas regardant sur son fonctionnement totalitaire).
En outre, dans un monde où les extrémismes et les populismes sont des alliés objectifs de la Chine contre la démocratie républicaine, il existe un terreau pour que le «modèle chinois» supplante le «modèle étasunien» dans les pays en développement mais aussi dans les pays avancés.
Dès lors, le rêve chinois qui est un véhicule à ce modèle deviendrait la référence du bonheur à atteindre face à un rêve américain ringardisé et de moins en moins séduisant.
Il suffit de constater l’admiration de certains pour l’«efficacité» du régime chinois et de sa prétendue capacité à instaurer l’«harmonie» – un des termes préférés de la propagande chinoise –  dans la société.
Deux mensonges qui sont pourtant largement répandus dans les populations en dehors de la Chine.
En réalité, le modèle chinois est un ennemi qu’il faut combattre sans relâche et le rêve chinois représente un danger mortel pour les démocraties.
On le voit actuellement avec la volonté des communistes de Pékin de vouloir profiter de la crise de la covid19 pour étendre leur sphère d’influence sans aucune dignité – ils sont bien responsables d’une gestion catastrophique qui a transformé une épidémie locale en pandémie mondiale – mais également pour éteindre les dernières lumières de la démocratie dans le pays, notamment à Hongkong où une reprise en main violente est en cours.
Sans même parler des velléités de faire enfin plier Taïwan.
Cependant, on se tromperait en n’y voyant qu’une simple opportunité.
Il ne s’agit que d’une accélération d’un agenda maintes fois répété, publié et poursuivi.
Comme le dit Xinhua ce «renouveau de la nation chinoise sera certainement réalisé lorsque la nouvelle Chine célèbrera son centenaire», c’est-à-dire le 1er octobre 2049.
La covid19 est sans doute en train de permettre d’écourter ce délai pendant que de l’autre côté du Pacifique s’éteint le phare de la liberté avec comme principal démolisseur, le vandale Donald Trump.
Les défenseurs du monde libre seraient bien inspirés d’entrer en résistance le plus vite possible avant qu’un régime totalitaire leur impose leurs songes, ce à quoi ils doivent rêver et non plus ce à quoi ils désiraient rêver.
C’est toute la différence entre un cauchemar et un rêve.

Alexandre Vatimbella

jeudi 7 mai 2020

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. Un plan contre la dictature chinoise est plus que nécessaire


Ce n’est pas depuis l’épidémie de covid19 que je mets en garde contre les ambitions de la dictature chinoise et de son nouveau Mao – statut qu’il revendique ouvertement –, Xi Jinping.
Alors même que la Chine nous a transmis le virus meurtrier, celle-ci tente de capitaliser sur la crise sanitaire en rappelant que l’agenda du Parti communiste chinois (PCC) qui n’a rien de secret, est de faire du pays la première puissance mondiale en 2049 lors du centième anniversaire de la prise du pouvoir par… Mao!
L’impudeur avec laquelle Pékin agit actuellement ne peut se comprendre que par la volonté de profiter de cette crise qui touche particulièrement les Européens et les Américains pour accélérer cette transition historique qui ferait retrouver à la Chine cette première place, celle qu’elle n’aurait jamais du quitter depuis la fin du XIX° siècle et dont les principaux coupables sont… les Européens et les Américains!
Européens et Américains qui, ne l’oublions jamais, ont fait entrer consciemment le loup dans la bergerie en permettant à la Chine du début des années 1980, celle de l’autocrate Deng Xiaoping, de devenir d’abord l’usine du monde, puis le financier du monde et demain la première puissance économique et militaire.
Tout cela pour sauvegarder nos modèles économiques bancals…
Mais ce n’est pas parce que nous sommes coresponsables de la montée en puissance d’une Chine hostile à l’Occident (il suffit de lire la prose du  PCC pour voir avec quelle hargne mais aussi condescendance ses idéologues attaquent les valeurs humanistes et démocratiques qui lui sont rattachées) que nous devons baisser les bras et nous laisser marginaliser et dépouiller sans réagir.
Non seulement parce ce qu’il s’agit de notre développement économique, social et culturel mais également de ce que nous sommes en tant que civilisation et surtout en tant que phare, certes palissant mais toujours vivant, de la liberté dans le monde.
Au-delà de la grossièreté de la propagande chinoise qui ne convainc que ceux qui veulent l’être ou qui sont destinataires des chèques de la «coopération» et de l’«entraide amicale» de l’Empire du milieu qui est, entre autres, en train d’étrangler financièrement les pays africains tout en pillant leurs ressources et leurs terres arables, le PCC profite de la crise pour conquérir des marchés, contrôler des instances internationales et s’attaquer à la démocratie à Hongkong où se produit actuellement une reprise en main et des arrestations d’opposants.
C’est la raison pour laquelle nous devons nous unir, nous Européens, mais aussi, nous occidentaux, mais aussi, nous défenseurs de la liberté et des droits de l’humain, pour contrer les velléités hégémoniques du régime communiste chinois avant qu’il ne soit trop tard.
Il nous faut mettre en œuvre un plan qui nous redonne la capacité d’être maîtres de notre présent et de notre futur, notamment dans le domaine économique mais aussi géopolitique sans oublier la défense intransigeante de nos valeurs si nous ne voulons pas, dans un proche avenir, nous retrouver dans un monde Huxlo-Orwellien que j’ai décrit récemment.
Oui, nous, les Européens nous devons réagir en espérant être rejoints bientôt par les Américains quand ils se seront débarrassés de Donald Trump, voire des Russes quand ils auront été capables de tourner le dos au régime scélérat de Vladimir Poutine.
Parce que l’arrivée au pouvoir de ces deux populistes que je viens de citer ont été du  pain béni pour le régime communiste chinois.
Deux pantins – dont l’un saborde la puissance de son pays pendant que l’autre se gargarise d’une puissance que son pays ne possède plus depuis longtemps et n’a pas les moyens de récupérer – qui ont permis à l’agenda chinois de s’accélérer.
Parce qu’à Pékin, un mix entre la sagesse traditionnelle chinoise et la réalité d’un pouvoir dictatorial sans partage fait que le temps, loin d’être un ennemi, est le meilleur allié pour parvenir à ses fins comme l’ont rappelé à maintes reprises les autorités communistes.
Nous, occidentaux, nous croyions que nous avions aussi le temps de notre côté et que la menace n’était pas encore trop prégnante, que nous avions encore la possibilité de réagir.
La crise que nous vivons nous dit que c’était une grossière erreur.
A nous de ne pas la transformer en catastrophe sans retour.


vendredi 21 février 2020

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. La démocratie, plus belle ou pire des choses?

Quand les règles de la démocratie sont utilisées à bons escient pour assurer la liberté dans l’égalité, pour progresser dans l’émancipation de chacun dans le cadre d’une communauté solidaire et respectueuse qui en bénéficie tout autant que l’individu, c’est certainement le plus beau système politique qui puisse exister.
Mais quand ces mêmes règles sont utilisées pour des buts essentiellement égoïste et clientéliste, d’opposition des uns contre les autres, quand la liberté d’expression est instrumentalisée et devient une arme pour menacer l’autre et lui dénier sa propre liberté de parole, quand on justifie l’insulte et la violence comme modes d’expression légitimes alors qu’elles nient l’existence même des valeurs démocratiques que l’on prétend défendre par leur utilisation, alors elle devient un des pires systèmes de gouvernement parce qu’elle dévoile les travers les plus exécrables et les plus hideux des individus avec cet effet boule e neige qui peut devenir terrifiant.
Si l’on ne doit pas passer sous silence les succès évidents de la démocratie, il convient, tout autant de ne pas se taire sur ses dérives.
Et ici, je ne parle même pas de la plus extrême, celle qui a permis, en toute légalité «démocratique» de permettre à des dictateurs de prendre le pouvoir par les urnes…
La démocratie est un système de gouvernement qui a des objectifs bien précis: la liberté, l’égalité, la solidarité (fraternité), la tolérance, le respect de la dignité de chacun par un gouvernement élu par la majorité des citoyens et dont un des devoirs est de protéger les droits de la minorité, le tout dans la sécurité et la paix civile.
Cette mission ne peut être réalisée qu’avec la participation et l’adhésion des citoyens.
Or ce qui fait la beauté de ce système est ce qui en fait aussi sa faiblesse parce que les citoyens, s’ils sont garants de ses bienfaits, sont également les complices de ses éventuelles dérives et perversion, soit directement par un activisme et des comportements qui instrumentalisent les bienfaits pour en faire des outils contre les valeurs mêmes de la démocratie, soit de manière indirecte en laissant faire (et parfois en les soutenant) des groupes subversifs qui s’attaquent frontalement ou dans l’ombre à ces mêmes valeurs.
Parce que si la démocratie est légitime à revendiquer d’être le régime «naturel», c'est-à-dire celui qui possède la légitimité ultime d’être le modèle de gouvernement des humains, sa construction culturelle est une lutte contre ce qui est le plus négatif de la nature humaine.
Ici, j’utilise l’adjectif «naturel» à la manière de Locke et des libéraux: la démocratie est «naturelle» parce que c’est elle qui est le mieux à même de réaliser les projets de vie des individus dans le cadre du meilleur projet de vie collectif.
Mais l’on comprend bien qu’elle est, dans les faits, totalement et complètement à la merci des «humeurs» de ses garants, c'est-à-dire les citoyens.
Ceux-ci, en tant qu’entités créatrices légitimes de la démocratie sont à même de l’appliquer correctement ou de la dénaturer, voire de la supprimer.
Or, la dénaturation et la suppression ne devraient pas être possibles si la démocratie est le régime naturel par excellence, parce qu’il doit s’appliquer quel que soit l’envie ou la volonté des citoyens.
On touche là à une des fragilités constitutives de la démocratie, sa dépendance au bon vouloir de ses garants alors même qu’elle doit pouvoir garantir à chacun de ses membres le respect de ses valeurs quel que soit la volonté d’une majorité, fut-elle de tous moins un, voire même de tous au regard des générations futures.
Mais comment faire autrement que de donner le pouvoir aux garants qui sont en même temps les bénéficiaires du système démocratique?
Si ces garants-bénéficiaires ne la soutiennent plus, aucune loi, aucune action, aucune résistance n’est réellement possible devant l’intention majoritaire ou unanime de l’abattre, que ce soit dans les urnes ou par la violence.
De même, de la laisser en vie et de s’en servir contre les valeurs mêmes qu’elle défend comme cela s’est déjà produit dans l’Histoire.
Que faire alors afin de permettre que le meilleur système n’accouche pas d’un monstre comme ce fut le cas en Allemagne en 1933 ou qu’il devienne une «dictacratie», ce mélange de régime autoritaire, de pratiques populistes et de résidus de mécanismes démocratiques (que d’autres appellent, improprement selon moi, «démocrature»)?
Retirer le pouvoir au «peuple», en tant qu’entité qui incarne ceux qui bénéficient de la démocratie et qui en sont les garants n’est évidemment pas possible même si cela serait souhaitable lors d’épisodes critiques comme celui que je viens de citer.
Nous devons donc accepter la fragilité et la faiblesse inhérente à la démocratie, savoir qu’elle est le meilleur régime et que son dévoiement tourne rapidement au cauchemar.
Mais cette acceptation n’est pas et ne doit pas être renoncement.
Ainsi, la démocratie nécessite et nécessitera toujours un activisme constant pour la défendre.
Une des grandes erreurs de beaucoup de ses défenseurs et de ses prosélytes a été de croire que les bienfaits de la démocratie en feraient un système indestructible «par nature».
Rien n’est plus faux
Dans leur analyse, ils avaient plus ou moins complètement oublié que la liberté est un état qui nécessite la prise en charge par chaque individu de la responsabilité de sa vie (en prenant les décisions qui vont, en partie, en faire ce qu’elle va devenir) et celle de ses actes vis-à-vis d’autrui.
Or, nombre de gens ne veulent pas de cette double responsabilité qui les oblige et préfère le «cocon» de l’incapacité et de la débilité tout en revendiquant malgré tout d’être le centre du monde et de bénéficier entièrement des bienfaits sans en accepter les obligations inhérentes qui y sont attachées.
Dès lors, tout en sachant que le pire est toujours possible mais pas forcément inévitable, tous ceux qui défendent la démocratie doivent faire en sorte de la promouvoir constamment, de la solidifier par la loi et par des mesures concrètes comme la constante élévation du niveau culturel des populations et, surtout, dans la réalisation effective des promesses contenues dans ses valeurs tout en étant conscients que tout interférence inhérente à la vie sur Terre sera généralement portée au passif de cette démocratie par ses garants, le peuple.
Si la démocratie est ce gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple, elle ne doit jamais être laissée au bon vouloir du peuple et à ses humeurs.
Plus facile à dire qu’à faire mais si l’on y parvient et pour répondre à notre question, alors la démocratie est la plus belle chose.
Mais que la route semble encore longue.

Alexandre Vatimbella


jeudi 20 février 2020

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. La démocratie au risque de la revendication permanente de tous pour tout

Quotidiennement, lorsque nous prenons connaissance des informations nous sommes bombardés de manière anxiogène par les revendications de groupes sociaux, professionnels et autres qui demandent des droits, des avantages, des passe-droits et autres bonus catégoriels tout en menaçant de se mettre en grève, de défiler ou de bloquer le pays pour un temps infini.
Et tout ceci est mis en scène pour être le plus «punchy» parce que la revendication est désormais un produit d’appel pour les médias – voir le traitement souvent scandaleux en la matière du mouvement de foule des gilets jaunes –, notamment audiovisuels, qui doivent constamment créer l’événement (et non plus relater les faits) pour avoir le plus d’audience possible dans un environnement concurrentiel où l’information est un produit pour des consommateurs et non plus un outil pour le citoyen.
D’ailleurs, dans une sorte d’aller-retour pas toujours très sains  et c’est un euphémisme – il est sûr que certaines revendications n’ont existé que par le relais que les médias leur ont accordé, voire n’ont été créées que parce que ceux qui les faisaient leur espéraient dans une reprise médiatique qui les mettraient en avant, voire au premier plan.
Une des plus grandes farces de notre époque de la revendication permanente est, dans une volonté de «convergence des luttes», la tentative de réunir les revendications portées par Europe-écologie-les-Verts en matière d’environnement et celles des gilets jaunes alors même que ces derniers ont débuté leur mouvement pour lutter contre la mise en place d’un impôt écologique, la taxe carbone!
On atteint là l’absurdité totale où ne se dégage qu’une volonté de se confronter aux pouvoirs publics par tous les moyens.
Car, dans le cas spécifique de la France, ces revendications s’adressent prioritairement à ces pouvoirs publics (et contre eux) et plus particulièrement à l’Etat même si celles-ci concernent une entreprise privée ou un secteur dont ne s’occupe pas ce dernier.
Un Etat qui est désormais – même s’il en a toujours été le principal récipiendaire – sommé d’agir afin de contenter les désidératas de cette revendication permanente de tous pour tout.
Ce nouveau paradigme de la contestation met en péril, non seulement, le socle sur lequel est bâtie la démocratie républicaine mais aussi l’essence même du lien social établi, non pas parce que nous préférons vivre en société mais parce que nous ne pouvons pas faire autrement que vivre en société.
En effet, si chacun de nous défend naturellement ses intérêts, il y a également un autre élément essentiel dans notre nature: nous ne pouvons pas vivre en dehors d’une communauté.
Même un anarchiste individualiste comme Max Stirner le reconnaissait.
Dès lors, pour vivre en sécurité, nous devons trouver un lien qui nous permet de vivre ensemble et qui, sans oblitérer la recherche par chaque individu de son intérêt, remet cette recherche dans un cadre plus large où nous devons trouver un consensus où se confrontent tous les intérêts individuels mais dans le compromis de la viabilité d’un intérêt collectif.
Ce dernier ne tombe pas d’en haut comme ce pseudo «intérêt général» dont on ne sait pas très bien de quoi il est constitué et de quelle légitimité il se réclame.
Non l’intérêt collectif est une partie indissociable de chaque intérêt individuel tout en le dépassant.
Cette apparente contradiction signifie simplement que notre intérêt individuel ne peut exister concrètement, c'est-à-dire que cette volonté puisse produire du concret, que s’il est protégé mais aussi canalisé par les règles du vivre ensemble et notamment celle qui s’appuie sur le réel.
Et cet intérêt collectif est la condition sine qua non, dans une communauté, à la réalisation effective des intérêts individuels.
Ainsi, si je veux telle chose, il faut que je puisse être vivant pour l’acquérir, c'est-à-dire que je vive dans une société qui me garantisse la sécurité comme à tous les autres membres, donc qui fasse en sorte que tous, nous reconnaissions la légitimité de cette communauté qui nous protège.
Mais si je veux telle chose, il faut également que je reconnaisse, non seulement, que tous les autres membres de ma communauté peuvent la vouloir mais qu’il est réellement possible de l’obtenir dans le cadre du fonctionnement d’une communauté qui m’assure, et la protection, et la capacité, si cela est du domaine du possible, de l’acquérir effectivement.
Je peux vouloir m’accaparer tous les biens d’une communauté mais je sais que, peut-être, d’autres membres de cette communauté le veulent aussi et que dans le réel cela est impossible, non seulement parce que ces autres ne seront pas d’accord pour me l’accorder qu’à moi mais aussi parce que cela n’est pas possible puisqu’en les conquérant je fais en sorte de ne pas permettre à ces autres de simplement exister, donc de légitimer une organisation sociale qui les exclut de facto en me permettant de tout avoir et eux rien (dès lors, ils sont d‘ailleurs légitimes à se rebeller contre celle-ci).
Il y a bien sûr plusieurs manières de faire valoir son intérêt individuel dans une communauté, dont une est la revendication.
Dans une démocratie, en matière sociale, cela peut prendre la forme légitime de manifestations et de grèves (légitimité que ne possèdent pas la rébellion et la révolution puisqu’il existe un moyen légal de changer le pouvoir en place, si celui-ci ne veut pas faire aboutir ses revendications).
Chacun peut ainsi, en respectant la règle juridique, descendre dans la rue pour demander à ce que ses désidératas soient contentés et cesser le travail pour appuyer ceux-ci.
En retour, chacun doit avoir un comportement de responsabilité en estimant si ses revendications sont du domaine du possible ou non.
C’est vrai qu’il est parfois difficile de savoir si l’on peut demande ceci ou cela et si on est en droit de l’obtenir.
Pour reprendre l’exemple cité plus haut, il est évident que de demander à posséder tous les biens d’une communauté est évidemment inacceptable.
Mais c’est un exemple évident et caricatural qui peut, tout au plus, démontrer la nécessité d’une mesure dans la revendication.
En matière de demande extra-ordinaire à la communauté (on ne parle pas ici des accords que des particuliers peuvent passer entre eux), c'est-à-dire où l’on demande quelque chose que les autres n’ont pas, il faut s’assurer de la légitimité de cette revendication au motif qu’elle établit une égalité entre tous qui n’existe pas.
Si je suis handicapé de naissance et que je ne peux monter des escaliers, il semble évident qu’une rampe ou un ascenseur rétablit mon égalité et que cette demande de pouvoir me déplacer comme les autres n’est pas illégitime et inenvisageable à mettre en œuvre techniquement et financièrement par la communauté.
Tout autrement est la demande que la communauté vous paye des avantages que les autres n’ont pas alors même que vous n’avez aucune raison que ces derniers, par le biais de la communauté, vous les payent.
C’est le cas, par exemple, en matière de retraite avec les «régimes spéciaux» payés par les deniers publics.
Ici on parle de ce que j’appelle une «plus grande égalité» que les autres, c'est-à-dire que l’on justifie que la communauté vous donne des avantages que les autres n’ont pas et qu’ils doivent vous payer parce que l’on a un droit à être plus égal qu’eux au regard de ce que l’on estime être son intérêt soi-disant supérieur pour tout un tas de raison (comme le fait de travailler dans un secteur où certains des salariés peuvent avoir une plus grande pénibilité dans leur emploi).
Plus largement, nous sommes dans une démocratie qui est devenue consumériste et à la carte (je prends d’elle ce que je veux et qui est mon intérêt et je rejette ce qui me gêne dans le recherche de mon intérêts et ce qui ne me plaît pas) où la revendication de tous pour tout est devenue permanente.
Il ne s’agit plus ici de lutter pour son intérêt avec responsabilité et en regard de ce qui est possible vis-à-vis de la vie en communauté mais de se servir sur et de la communauté pour l’assouvir quoi qu’il arrive et coûte que coûte.
Cela ne peut que mener à une impasse où les perdants seront nombreux et où l’un d’entre eux sera la démocratie républicaine qui, si elle doit gérer les intérêts individuels, n’a pas pour mission de contenter toutes les revendications mais bien de trouver un compromis entre tous dans un juste équilibre et une égalité de traitement.
Malheureusement, ce temps de la revendication permanente de tous pour tout ne semble pas au crépuscule de son existence.

Alexandre Vatimbella