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mercredi 22 septembre 2021

Le Focus. «Contrat du siècle»: l’étrange attitude des médias qui prennent partie pour l’Australie contre la France

Tout serait la faute de la France, voilà ce que dit de manière arrogante et insultante l’Australie qui a rompu le fameux contrat de douze sous-marins français.

Et de déclarer que ces bâtiments n’étaient pas fiables et que l’Australie n’avait pas de compte à rendre à la France qu’elle était venue sauver en 1914 et 1944 (alors que ses troupes étaient sous commandement britannique et se battaient essentiellement pour son ancienne puissance coloniale)!

En somme nous sommes un pays sous-développé qui vendons de mauvais produits et qui devons plutôt la fermer devant une nation qui peut nous faire, et la leçon, et la morale.

Le pire dans ces affirmations mensongères, c’est qu’elles sont reprises complaisamment par une partie de la classe politique – mais, là, on en attendait pas moins de cette opposition en déshérence qui saisit au bond toute attaque fallacieuse qui peut affaiblir Macron même si ça affaiblit également la France de critiquer le gouvernement sans preuve – et une partie des médias et de ces fameux «experts médiatiques» dont on aurait attendu un peu plus de professionnalisme.

Ce plaisir qu’ont ceux-ci de rabaisser constamment la France – qu’elle soit dirigée par la Gauche, le Centre ou la Droite –, sa politique étrangère, sa technologie et, en l’occurrence donc les compétences de ses ingénieurs et autres techniciens qui ont conçu ces sous-marins est affligeante d’autant qu’elle ne se base sur aucune réalité.

Evidemment, nous ne sommes pas obligés de croire Emmanuel Macron quand il nous dit que lors de la dernière rencontre avec le premier ministre australien, celui-ci n’a jamais évoqué une possible rupture du contrat.

Ou Yves Le Drian quand il explique qu’aucun officiel australien n’avait parlé de plus honoré ce dernier.

Mais il y a un communiqué commun entre la France et l’Australie publié le 30 août, soit seulement quinze jours avant la rupture unilatérale du contrat, après une réunion entre les ministres des Affaires étrangères et de la Défense des deux pays qui dit:

 «Les deux parties se sont engagées à approfondir la coopération dans le domaine des industries de défense et à améliorer leur capacité de pointe dans la région. Les ministres ont souligné l’importance à cet égard du programme des futurs sous-marins.»

Où étaient les soi-disant mises en garde de l’Australie?

Oui, on s’est bien «foutu de notre gueule»!

Alors, oui, sans doute, sommes-nous une puissance de deuxième catégorie, juste au-dessus de la Grande Bretagne, loin devant l’Australie mais derrière les Etats-Unis, la Chine et la Russie.

Oui, les Australiens ont plus de raisons de toutes sortes de faire allégeance à la puissance américaine et de faire plaisir à leur ancienne puissance coloniale qu’à la France dont ils n’ont jamais été particulièrement proche.

On rappelle, en passant, que le chef de l’Etat australien se nomme Elizabeth II, reine du le Royaume Uni!

Oui, les Etats-Unis veulent enfin se concentrer – avec raison – sur la réelle menace chinoise et ont besoin, dans la région Indo-Pacifique de l’Australie à leurs côtés plus que de la France.

Oui, par ailleurs, les Etats-Unis, dans une rare duplicité à notre égard, nous ont doublés mais s’attaquer à la France comporte pour eux peu de risques à long terme.

Mais, non, ce n’est pas vrai que la France n’a pas été à la hauteur.

Quoi qu’il en soit, et plus fondamentalement, ce «coup dans le dos», selon l’expression utilisée par Jean-Yves Le Drian, repose de manière encore plus prégnante la question de l’indispensable, de l’incontournable, de l’essentielle Europe de la Défense.

Nous devons, nous, Européens, prendre enfin nos responsabilités le plus rapidement possible car, aujourd’hui, nous comptons de moins en moins sur la scène internationale, ce qui veut dire que nous ne sommes plus écoutés et que nos intérêts vitaux dépendent de plus en plus de la décision d’autres pays.

L’«humiliation» de la France dans cette «crise des contrats», c’est aussi l’humiliation de l’Europe.

C’est en notre pouvoir de ne pas l’accepter, maintenant.

Demain il sera trop tard.

Jean-François Borrou & Alexandre Vatimbella

 

 

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. Chine: nous récoltons ce que nous avons semé

Ce ne sont pas les démocraties qui ont fait de la Chine leur pire ennemie mais bien la Chine qui a fait de la démocratie le régime à abattre.

En revanche, si la Chine est devenue l’ennemie publique numéro un pour la liberté dans le monde, c’est bien à cause des démocraties.

Ce sont elles qui ont sorti le pays de son sous-développement auquel il était voué à demeurer encore longtemps sans notre «aide» avec deux objectifs principaux.

Le premier, uniquement économique, était de profiter de la main d’œuvre à bas prix et docile pour produire en quantité à des coûts très bas et donc à des prix de vente sans concurrence.

Voilà qui arrangeait les entreprises mais aussi les consommateurs.

A cela s’ajoutait l’idée que le développement économique de la Chine permettrait à ces mêmes entreprises occidentales de s’ouvrir le plus grand marché de la planète, donc de réaliser des profits gigantesques.

L’idée était d’être doublement gagnant.

Le deuxième était que la croissance du pays créerait un appel d’air pour les valeurs de la démocratie qui serait conforté par la naissance d’une classe moyenne.

Mais le premier objectif était bien le principal.

On s’en rendit compte en 1989 lors la sanglante répression du mouvement démocratique des étudiants sur la place Tienanmen.

Si des sanctions furent prises contre le régime communiste – en particulier en matière de vente de matériel militaire – cela n’empêcha guère la progression de la relation commerciale qui permet aujourd’hui à la Chine d’être la deuxième puissance mondiale, en attendant peut-être de devenir la première et d’être une menace directe pour la démocratie.

Nous avons assisté sans broncher à la montée d’une dictature de plus en plus répressive dont la prise du pouvoir par Xi Jinping a été à la fois le point d’orgue et la nouvelle normalité avec un retour aux pratiques maoïstes de la pire espèce dont on peut voir les effets, non seulement, dans le musèlement de toute voix dissonante, dans la disparition de toute opposition mais aussi dans les terribles répressions au Tibet et au Xinjiang, sans parler de l’abolition de la démocratie à Hongkong.

De même, la politique étrangère extrêmement agressive des communistes chinois fait peser un péril gigantesque pour la paix dans le monde.

Son implantation dans la mer de Chine où son armée s’est installée au mépris de toutes les règles du droit internantional sur des îlots appartenant souvent à d’autres pays dans une politique du fait accompli démontre que la Chine n’a jamais été cet empire qui n’avait aucune volonté hégémonique et impérialiste comme sa propagande l’affirmait.

Cette fable diffusée jusqu’à plus soif pendant près de quarante ans voulait faire croire que les communistes n’avait qu’un but, assurer la cohésion du pays et rien d’autre.

Mais justement, si cette cohésion était en péril c’est bien parce que la Chine est, en réalité, faite de bric et de broc, qu’elle est tout sauf une nation «naturelle», un pays uni et qu’elle n’a jamais hésité à faire la guerre pour s’agrandir.

C’est bien sûr le cas pour le Tibet et le Xinjiang déjà cités, mais également pour toutes les régions qui avaient leurs différences culturelles et que Pékin au fil du temps et des dynasties impériales (en incluant celle du Parti communiste) a annexé sans vergogne en partant de ce petit royaume combattant de Qin qui gagna la guerre face à ses rivaux en 221 avant Jésus-Christ et dont la superficie représentait alors une infime partie de qu’est la chine contemporaine.

Le monde chinois est ainsi aussi divers que l’est l’Europe, un Cantonais et un Pékinois ayant autant de différence qu’un Français et un Allemand, la couleur de peau ne faisant évidemment pas l’unité ethnique et culturelle que la Chine tente de faire accroire.

Si demain on les laissait choisir, nombre de régions chinoises se prononceraient sans doute pour une indépendance.

De son côté le marché chinois – eldorado moderne pour les fantasmes des capitalistes occidentaux – ne fut ouvert que partiellement et, surtout, afin de bénéficier du savoir-faire occidental, pour le copier (et le piller par ailleurs avec l’espionnage scientifique et industriel) pour ensuite être refermé tout en continuant à inonder ceux des pays démocratiques.

Le tout avec une politique économique et commerciale qui ne respectait aucune norme internationale, avec un capitalisme d’Etat qui permettait de subventionnait sans cesse et à coup de sommes gigantesques des pans entiers de la machine de production, faussant la concurrence alors même que la Chine venait d’être admise à l’OMC…

Enfin – et ce n’est pas la moins grande de nos fautes – nous avons laissé la Chine polluer sans vergogne pendant des décennies et le faire encore aujourd’hui en gobant tous les mensonges qu’elle profère à ce sujet sur son action en faveur de l’environnement.

Cerise sur le gâteau, c’est peut-être les mensonges de la dictature chinoise qui ont permis à la covid19 d’être cette pandémie mondiale meurtrière dont nous ne sommes pas encore sortis depuis son apparition dans le Wuhan il y a presque deux ans.

Oui, nous, les démocraties, nous sommes responsables de cette situation à la fois par notre mollesse et, surtout, notre avidité.

Ces deux comportements nous ont amené à tout accepter du régime communiste chinois et à jeter aux orties nos valeurs et notre dignité.

Aujourd’hui, la puissance de la Chine ne nous permet plus d’agir pour la contraindre à changer son régime politique et son modèle économique.

Nous nous sommes nous-mêmes piégés alors même que nous aurions pu, dès le départ, demander des contreparties au développement du pays qui n’aurait pas pu avoir lieu sans nous.

Mais chacune des démocraties était tellement obsédée de retirer le plus de bénéfices sonnant et trébuchant de la croissance chinoise, que nous nous sommes fait la guerre pour plaire aux dirigeants communistes qui, évidemment, ont profité de cette course effrénée et de notre cupidité.

Tout est-il désormais trop tard et la dictature communiste a-t-elle définitivement gagnée?

Certes, le défi chinois est immense pour les démocraties.

Cependant laisser la Chine continuer sur sa lancée est un risque beaucoup trop important.

Nous avons fait Xi Jinping, à nous de nous en défaire par une action concertée qui ne peut être uniquement économique ou militaire, ou de soft-power.

Elle doit être globale, puissante et se mettre en place dans la durée parce qu’il en va, in fine, de la sécurité de nos pays et, encore plus essentiel, de la démocratie dans le monde.

Nous devons prendre nos responsabilités, celles que nous avons tant bafouées au cours de ces trois décennies que l’Histoire considèrera certainement comme celles du retour de la Chine mais tout aussi certainement comme celui du renoncement, voire de la capitulation, de l’Occident, donc de son déclassement.

A nous de faire en sorte que les trente prochaines années ne soient pas celles de la domination inconditionnelle et incontestée d’un régime dictatorial des plus brutaux que la planète ait jamais vu.

Alexandre Vatimbella

 

dimanche 12 septembre 2021

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. Vingtième anniversaire du 11 septembre et procès du 13 novembre, le télescopage bienvenu

Oui, pour répondre à cette question cliché, comme tous ceux qui sont en âge de les avoir vécus «en direct», je me rappelle où j’étais le 11 septembre 2001 et le 13 novembre 2015 lorsque j’ai appris les attentats terroristes qui ont touché New York et Paris.

Et, oui, j’ai pris immédiatement la dimension de ces deux terribles carnages d’où un télescopage bienvenu dans la commémoration aujourd’hui du vingtième anniversaire de l’effondrement des tours jumelles du World trade center et l’ouverture, mercredi dernier, du procès des responsables encore vivants des fusillades dans Paris et des assassinats des spectateurs du concert qui se tenait alors au Bataclan.

Bienvenu parce qu’il nous permet d’abord de nous rappeler que les ennemis de la liberté et de la démocratie peuvent agir et frapper fort dès qu’ils sont en mesure de le faire – ce qui pose le problème de ce qui va se passer avec le retour des talibans en Afghanistan qui ont hébergé Al Qaida, l’organisation terroriste responsable du 11 septembre – et qu’en conséquence nous ne devons, nous ne pouvons jamais baisser la garde en ce début de troisième millénaire.

C’est d’ailleurs grâce à une mobilisation de tous les instants que nous avons pu éviter des attentats de cette dimension depuis quelques années.

Ensuite, il nous permet de nous remémorer l’unité qui s’est manifestée dans toutes les démocraties du monde face à ces actes d’une sauvagerie sans nom.

Et les peuples des démocraties ainsi agressées et meurtries ont montré leur communion et leur résilience face à cette barbarie même si nous pouvons malheureusement douter un peu qu’une telle épiphanie se produise avec la même intensité dans cette deuxième décennie du 21e siècle.

Enfin parce qu’il nous enjoint de ne jamais oublier la fragilité inhérente au meilleur des systèmes politiques, la démocratie, face à ses ennemis qu’ils viennent de l’intérieur ou de l’extérieur.

Bien sûr, dirons certains, ces milliers de morts de New York et de Paris pèsent peu face aux millions de morts dus aux conflits et aux actes terroristes dans le monde qui ont eu lieu ces vingt dernières années au quatre coins du monde, de la Syrie au Soudan en passant par l’Irak ou la Birmanie, pour prendre quelques exemples des effroyables et intolérables tueries humaines qui ont rythmé notre quotidien.

C’est vrai mais ces attentats, au-delà des tragédies vécues par les victimes et leurs familles, ont cette dimension emblématique de la volonté odieuse de leurs perpétrateurs et de leurs commanditaires, d’une destruction totale de la liberté et de la démocratie dans les deux pays qui ont inventé leurs formes modernes, les Etats-Unis et la France.

C’est en cela que nous devons sans réserve les commémorer et rendre justice à leurs victimes aujourd’hui et demain, aussi longtemps que notre dignité humaine sera mise en danger par des illuminés et des criminels de la pire espèce.

Alexandre Vatimbella

 

samedi 4 septembre 2021

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. Les défaites inquiétantes mais logiques de la démocratie

Les défaites inquiétantes mais logiques de la démocratie

De Hongkong à Kaboul, de Brasilia à Budapest, de Manille à Ankara, la démocratie a subi ces dernières années, voire ces derniers mois et ces dernières semaines des défaites inquiétantes.

Alors que les plus optimistes escomptaient il y a trente ans qu’une grande partie du monde allaient adopter tôt ou tard un régime démocratique, ce début de 21e siècle a été une douche froide même si la liberté a pu progresser ici ou là mais pas de la manière exponentielle prévue et espérée.

Si beaucoup de pays ne se sont finalement pas convertis à la démocratie, le plus préoccupant est le recul voire la disparition de celle-ci dans plusieurs endroits où elle était en place ou embryonnaire.

Reste que ces défaites sont logiques si l’on se place dans un cadre géopolitique (pour Hongkong ou l’Afghanistan) ou dans celui de particularismes locaux (pour la Hongrie ou la Pologne).

Que nous apprennent, plus globalement, ces revers et ces fiascos?

D’abord que la démocratie est fragile de par sa nature.

Il s’agit même du régime politique le plus vulnérable car sa force réside dans ses idéaux qui sont autant d’armes qui permettent à ses nombreux ennemis, tant intérieurs qu’extérieurs, de l’affaiblir.

Un exemple, la liberté que la démocratie offre est une aubaine pour tous ceux qui rêvent de la supprimer car elle leur permet d’agir et de parler sans être l’objet de répression ou de censure comme c’est le cas dans les régimes autoritaires et totalitaires.

Ensuite que la démocratie doit se défendre et être défendue pour exister.

Elle n’est nullement un régime «naturel» mais bien une construction culturelle qui s’appuie, en revanche, sur des droits «naturels», c’est-à-dire attachés à la dignité de chaque être humain dès sa naissance –même s’il ne peut alors les exercer lui-même –, dont il ne peut jamais être privé et qui émanent du duo inséparable liberté-égalité.

Cela implique qu’elle doit se défendre par un arsenal législatif et sécuritaire efficace mais aussi qu’elle doit être défendue par ceux qui bénéficient de ses bienfaits.

Parce qu’il est une évidence que la passivité, pire l’indifférence, sont des comportements qui minent et détruisent la démocratie de l’intérieur.

On vient d’en voir les conséquences tragiques en Afghanistan où aucun mouvement d’aucune sorte de la part de la population pour empêcher les talibans de reprendre le pouvoir ne s’est manifesté, ni une quelconque mobilisation pour défendre la liberté.

Puis que l’on doit protéger la démocratie contre elle-même.

En ce 21e siècle, la caractéristique première d’un régime démocratique est qu’il ne peut être à la merci de la versatilité du peuple.

Aucune volonté de celui-ci ne peut remettre en cause son existence parce qu’elle nierait les droits «naturels» dont j’ai parlé plus haut.

Ainsi, ce n’est pas la règle de la majorité, ni même l’élection qui est fondement de nos démocraties actuelles, mais les droits de la minorité qui ne peuvent jamais être supprimés.

Ne resterait qu’un représentant de cette minorité, il serait fondé à demander que l’on respecte ses droits même si la majorité décidait de les supprimer parce qu’elle n’aurait aucune légitimité d’agir pour autrui ainsi que vis-à-vis des générations à venir.

Enfin, que les démocraties, à travers le monde, doivent s’unir pour défendre leur modèle et être capables de faire face à tous les régimes liberticides pour leur imposer de respecter les droits «naturels» de chacun.

Pas besoin de longs développements pour constater qu’on en est bien loin…

Reste que ces échecs de la démocratie ne sont pas forcément inexorable dans le temps mais ils nous apprennent encore une fois que si elle est l’unique régime légitime en regard du respect de la dignité de chaque être humain, des forces puissantes et souvent bien organisées tentent par tous les moyens d’empêcher son installation et quand c’est le cas, luttent pour l’éliminer.

Ainsi, qu’on le déplore ou non, la démocratie se mérite parce que nous vivons dans un monde où ces forces sont quotidiennement à l’œuvre pour asservir les individus pour tout un tas de motifs les plus abjects les uns que les autres.

Cela ne remet aucunement en question cette légitimité de la démocratie mais interroge sur les capacités des peuples à se révolter face à des pouvoirs autoritaires et totalitaires parce que s’il est une chose certaine, c’est qu’aucun de ceux-ci n’a jamais pu se maintenir sans un certain soutien ou une apathie coupable populaires.

Par un retournement funeste de l’Histoire, Le 21e siècle sera peut-être celui de la résistance démocratique alors qu’il devait être celui de la liberté triomphante…

 

 

jeudi 2 septembre 2021

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. Daesh, trumpistes et anti-vax, même fanatisme?

Le fanatique, qu’il soit religieux ou politique, où qu’il vive, quoi qu’il pense obéit aux mêmes règles de comportement.

Dominé par ses passions où la raison – sauf la sienne! – n’a plus sa place, persuadé qu’il détient le mystère de la vraie vie, que celui-ci est bafoué par les autres, tous les autres qui ne pensent pas comme lui, il se veut le défenseur intransigeant de la «pureté» de la cause qu’il a épousé.

Souvent, il est prêt à sacrifier sa vie et, évidemment, surtout celle de ses «ennemis» sur l’hôtel de ses certitudes, celles qui ne souffrent, selon lui, aucune discussion.

Le fanatique est donc caractérisé par sa croyance absolue et inébranlable dans une «vérité» à laquelle il est prêt à se battre jusqu’à l’élimination de l’autre, celui qui ne croit pas comme lui à la même orthodoxie, qui ne rend pas grâce aux mêmes dogmes que lui.

Selon Hegel, «le fanatisme veut quelque chose d’abstrait, il ne veut pas d’organisation différenciée ou hiérarchisée. Là où apparaissent des différences, il trouve cette situation contraire à son indétermination et la supprime.»

On reconnait dans ce portrait, bien sûr, le fanatique gorgé de principes religieux exclusifs tel que nous le propose en ce 21e siècle, Daesh, Al Qaida, les Frères musulmans, les Talibans ou encore certaines sectes hindoues.

Mais également le fanatique politique gorgé de théories élucubrationistes (complotistes) tel que nous les ont révélé des mouvements comme le Tea party, les Gilets jaunes ou encore les Anti-vax, sans oublier les adulateurs de Donald Trump.

Ici, il faut faire ce parallèle évident où le fanatique religieux investit évidemment la sphère du politique qui ne peut être qu’inféodé à sa croyance et où le fanatique politique vit ses croyances comme une religion.

C’est qu’expliquait le philosophe romancier et sémioticien italien Umberto Eco:

«Les gens ne peuvent admettre que les choses arrivent ‘comme ça’. L’idée du complot est à la base de toute religion: il faut qu’il y ait une volonté à l’origine des événements, qu’elle soit d’origine divine ou humaine. Ainsi, le crime ou la grande catastrophe n’arrivent jamais par hasard ! Le complot machiavélique derrière les événements est une mythologie naturelle, qui répond à un besoin humain».

On comprend quels dérapages permet cette démarche erratique quand elle est dans les têtes de surexcités exaltés.

Voltaire écrivait que «le fanatisme est à la superstition ce que le transport est à la fièvre, ce que la rage est à la colère».

Et Diderot complétait la définition en estimant que «du fanatisme à la barbarie, il n’y a qu’un pas».

Pour le fanatique, l’investissement ressort du sacré, de la dévotion en une cause exclusive qui ne supporte pas l’existence de l’incroyant qui doit être éliminé ou empêché d’agir et de s’exprimer.

Il est atteint de «surdité volontaire» selon la juste formule de Victor Hugo.

Le fanatique est adepte de régimes totalitaires parce sa pensée est totalitaire.

Il serait donc temps de prendre conscience que le fanatisme élucubatrioniste est, in fine, d’une dangerosité comparable pour la démocratie au fanatisme religieux et que leurs buts sont identiques, inféoder la société à leurs croyances et évacuer tout rapport avec la réalité, même si le passage à l’acte dans ces dernières décennies, jusqu’à présent, a été surtout le fait des fanatiques de la religion.

Cette présence du fanatisme dans ce début de 21e siècle est une gifle pour les partisans de la démocratie républicaine parce qu’elle semble démontrer que les passions «tristes» – la haine, la peur, la colère, le mensonge, la violence... – décrits par Spinoza prendront toujours le pas sur le rationnel.

Or si nous ne devons pas vivre sans nos émotions qui nous permettent l’empathie, la compassion et la compréhension des sentiments d’autrui, la perception de son humanité et de son individualité, il ne saurait question que celles-ci remplacent nos capacités rationnelles vis-à-vis de la réalité.

C’est autant dans la transmission du savoir que dans un arsenal juridique que l’on parviendra à faire reculer le fanatisme.

Mais il serait illusoire de penser qu’il disparaîtra un jour.

La lutte ne cessera jamais parce qu’il en est de notre condition d’êtres qui vivent sans savoir pourquoi, qui cherchent des réponses et qui, pour certains, se rattachent à des idéologies fermées, donc rassurantes, d’explication d’un monde responsable de nos angoisses existentielles.

Mais ce combat humaniste est un des plus essentiels qui soit pour garantir le respect de la dignité humaine.

Alexandre Vatimbella