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samedi 19 mars 2016

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. La démocratie du XXI° siècle au défi du populisme

De Platon et Aristote aux Pères fondateurs des Etats-Unis (Jefferson, Adams, Hamilton) et au théoricien de la Révolution française, l’abbé Sieyès, en passant par Bodin et Hobbes, Locke et Montesquieu, les philosophes et penseurs politiques se méfient des passions populaires.
C’est la raison pour laquelle ils se méfiaient corollairement de la démocratie, l’originale dont parle l’Antiquité grecque, celle où le peuple gouverne et décide directement, celui où il légifère et exécute en même temps.
On pensait avoir trouvé la solution la plus sage avec la construction intellectuelle de la démocratie représentative, avec Sieyès, Kant et quelques autres dans une articulation où le vouloir et le pouvoir n’étaient pas interdépendants mais aussi, bien sûr, avec les débuts prometteurs de la république des Etats-Unis d’Amérique où les Pères fondateurs avaient imaginé un système où les pouvoirs se bloquaient entre eux afin d’éviter que la majorité ne devienne tyrannique afin de protéger la minorité, car la démocratie républicaine s’apprécie aussi et surtout à l’aune des droits de la minorité.
Comme le résume fort bien Albert Camus, «La démocratie, ce n'est pas la loi de la majorité, mais la protection de la minorité.»
La Révolution française, dans un premier temps, avait voulu s’inscrire dans une telle démarche avant qu’elle ne dérape, en partie, par ces passions populaires dévastatrices.
Car c’était sans compter sur les populistes et les démagogues qui s’adaptèrent dès le départ fort bien à ce nouveau système pour demander au peuple de les élire en leur promettant le beurre et l’argent du beurre dans des discours enflammés et agressifs, voire plus.
Mais l’on croyait tout de même que le populisme disparaitrait au fur et à mesure que la démocratie s’installe et mûrisse avec des peuples qui, petit à petit, grâce à l’éducation, à l’information et au progrès social et technique, s’approprient le fameux couple liberté-responsabilité afin que tout cela aboutisse à un gouvernement harmonieux et raisonnable, ce fameux juste milieu de Confucius, cette fameuse médéité d’Aristote.
On avait oublié, même si Tocqueville nous l’avait expliqué avant d’être un peu oublié puis justement redécouvert, que la démocratie est moins une question de liberté pour le peuple que d’égalité et que l’équilibre fondamental liberté-égalité penche le plus souvent vers une demande populaire d’égalité au détriment de la liberté, ce que nous disaient déjà Platon.
Ainsi, en ce début de XXI° siècle, la démocratie républicaine représentative se trouve toujours à la merci du populisme comme elle l’était au temps d’Athènes.
Que ce soit en Amérique du Sud avec les Chavez (Venezuela), Morales (Bolivie), Kirchner (Argentine), ou en Europe avec les Orban (Hongrie) ou les Tsipras (Grèce), les populistes sont ou ont été au pouvoir pour le plus grand malheur de leurs peuples qui les avaient choisis démocratiquement.
Certains ont coulé l’économie de leurs pays, d’autres n’ont pas été capables de les sortir de leurs difficultés qui les avaient portés au pouvoir.
Sans parler des limitations de la liberté, les bouc émissaires et les relents de xénophobie où toutes les difficultés viennent évidemment des autres ou d’ailleurs, de ces ennemis extérieurs et de leurs relais intérieurs.
Et l’on a vu fleurir ces dernières décennies avec une accélération récente, un peu partout, sur le même principe et avec les mêmes discours, des organisations populistes plus ou moins extrémistes comme Podémos (Espagne), le Mouvement cinq étoiles (Italie), le Front national et le Front de gauche (France), Ukip (Grande Bretagne) Pegida et l’AFD (Allemagne) ainsi que des hommes qui surfent sur cette vague comme Donald Trump et Bernie Sanders aux Etats-Unis.
En cette année 2016, le populisme, la démagogie et l’extrémisme se sont à nouveau coalisés pour attaquer les fondements, les principes et les valeurs de la démocratie républicaine comme une sorte de retour en arrière mécanique qui fait parfois douter que les peuples aient jamais appris quoi que ce soit, ni même qu’ils aient ouvert un livre d’Histoire.
Il est fort possible que le populisme et la démagogie soient éternels.
Il est même, fort possible, que ce soit également mais pas seulement, une résultante de la démocratie républicaine qui permet aux passions, aux intérêts personnels et aux frustrations, légitimes ou non, de s’exprimer dans la rue et dans le bulletin de vote, de voir des aventuriers s’en emparer et nombre d’individus leur faire confiance.
Cela n’empêche pas qu’il faut une lutte résolue et sans concession de la part des vrais démocrates et des vrais républicains contre ces deux tares, ces deux dangers qui ont produit et produisent tant de catastrophes au cours des siècles et particulièrement au XX° siècle même si le XXI° est malheureusement en train de suivre son prédécesseur en la matière.
Et le Centre doit être au cœur de cette résistance au populisme au nom de ses valeurs humanistes, au nom de son principe de juste équilibre, au nom de sa défense de la liberté.
Les partis centristes se doivent d’être en première ligne pour défendre la démocratie républicaine.
Car, si Winston Churchill disait «Le meilleur argument contre la démocratie est fourni par une conversation de cinq minutes avec l'électeur moyen», il affirmait dans le même temps, «La démocratie est le pire des régimes – à l'exception de tous les autres déjà essayés dans le passé».

Alexandre Vatimbella


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