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mardi 4 janvier 2022

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. Monsieur Xi, agissez comme les préceptes de Confucius au lieu de l’instrumentaliser

Le confucianisme est-il aussi peu fidèle à maître Kong que le christianisme à Jésus?

Cette question n’est pas nouvelle mais avec l’impudique réappropriation du confucianisme par le Parti communiste de Xi Jinping pour servir la cause de son totalitarisme maquillé en «rêve chinois» et en «harmonie», il faut à nouveau y répondre.

Déjà, la dynastie des Han il y a deux mille ans avait procédé à de similaires manipulations afin de servir les intérêts d’un empire qui voulait asservir son peuple.

Avec cette nouvelle lecture éminemment critiquable de son œuvre, Confucius (ou Kongfuzi pour les Chinois) est redevenu une icône des hiérarques au pouvoir à Pékin après avoir été pratiquement jeté aux oubliettes de l’Histoire par leurs prédécesseurs, notamment Mao pourtant modèle ultime de monsieur Xi…

Suite à l’instrumentalisation de sa pensée par les différents régimes qui se sont présentés comme ses «disciples», il faut faire la part des choses entre celle-ci et le «confucianisme» officiel comme il est nécessaire de le faire avec les églises qui se disent «chrétiennes», qui souvent interprètent de manière très lointaine les préceptes de Jésus, et dans la doctrine, et dans l’agir.

Il faut évidemment qualifier et replacer la pensée de Kongfuzi dans la réalité de son époque si l’on veut en comprendre certaines caractéristiques, c’est-à-dire une Chine où la violence, les guerres et l’arbitraire régnaient en maître et où l’humain en tant qu’individu et collectif comptait pour peu voire rien du tout.

Une des tâche que s’était assigné le penseur était de conseiller les puissants afin qu’ils deviennent responsables et qu’au lieu de se battre continuellement les uns contre les autres avec comme conséquence des massacres de population, de la famine et une désorganisation de l’Etat et de l’économie, ils gouvernent avec la sagesse requise.

C’est pourquoi, pour lui, la stabilité de l’Etat et la sécurité du peuple passaient en premier et qu’il fallait que, du haut en bas de la société, une discipline s’instaure.

Ayant dit cela le message de Kongfuzi est d’abord et avant tout éminemment humaniste et proto-centriste, loin des pratiques des régimes qui l’ont revendiqué en le vidant de son sens.

En plaçant le respect de la dignité humaine comme valeur suprême du devoir de l’«homme de bien» et faisant d’une gouvernance du «milieu juste et constant» le «bien suprême», il est proche de la philosophie du Centrisme et très éloigné de toute idéologie totalitaire.

D’autant que, pour lui, tout dirigeant qui n’est pas capable de maintenir le «juste milieu», c’est-à-dire de gouverner avec la «vertu de la grande mesure», chose la «plus élevée», qui est de savoir qu’«aller trop loin ne vaut guère mieux que pas assez», peut être révoqué par le peuple.

Comme l’explique la grande spécialiste de la Chine, Anne Cheng dans son ouvrage de référence «Histoire de la pensée chinoise», ce juste milieu est une «exigence d’équilibre, d’équité et de mesure qui ne cède jamais à l’impulsif, à l’excessif, à l’intérêt immédiat, au calcul partial, à la fantaisie du moment ou au cynisme, autant de penchants qui ruinent toute possibilité de vie fiable et durable».

Anne Cheng qui estime même que la pensée confucéenne est une recherche d’un  idéal d’un monde «s’harmonisant et s’équilibrant de lui-même» qui rendrait inutile tout gouvernement centralisé.

On est bien loin du totalitarisme de monsieur Xi!

D’autant qu’un des combats de Kongfuzi résonne particulièrement en ces temps où les extrémistes et les populistes, les despotes et les autocrates tentent d’enfumer le débat politique par des fake news et des théories élucubrationistes (complotistes).

Ainsi, le penseur chinois faisait de la «rectification» des noms une condition indispensable au bon gouvernement:

«Si les noms sont incorrects, on ne peut tenir un discours cohérent. Si le langage est incohérent, les affaires ne peuvent se régler. (…) Voilà pourquoi l’homme de bien n’use des noms que s’ils impliquent un discours cohérent et en tient de discours que s’il débouche sur la pratique. Voilà pourquoi l’homme de bien est si prudent dans ce qu’il dit.»

Au lieu d’écouter tous ceux qui veulent utiliser Kongfuzi pour leurs propres ambitions, allons donc à la source et combattons leurs prétentions à établir un monde fermé et oppressif, allons à la source de sa pensée, à son rêve chinois qui a une bien autre dimension et ambition que la, dictature proposée par le maître actuel de Pékin.

Alexandre Vatimbella