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jeudi 26 février 2009

CHINE-ECONOMIE. Les difficultés de la Chine ont commencé bien avant la crise financière mondiale


Economiste à l’IFRI, Françoise Nicolas rappelle que la Chine connaît des difficultés économiques depuis 2007 et que leur résolution passe par des mesures structurelles importantes.


Pour Françoise Nicolas, économiste à l’IFRI (Institut français des relations internationales), « la crise économique en Chine a commencé avant la crise financière américaine à la suite de facteurs à la fois internes et externes ». Ce rappel vient contredire la parole officielle de Pékin qui a tendance à rendre responsable la crise mondiale de toutes les difficultés actuelles du pays.

Or, estime Françoise Nicolas, le ralentissement de l’économie chinoise a commencé dès le milieu 2007 avec des facteurs internes comme l’augmentation des coûts de production dus notamment à l’augmentation des salaires et à la délocalisation de nombreuses activités vers des pays encore moins chers comme le Vietnam. En conséquence, on note déjà, à ce moment là, un ralentissement de l’activité industrielle tout comme de l’investissement ainsi qu’une baisse du marché immobilier avec la baisse concomitante des chantiers de construction qui s’est traduite par une baisse de la vente d’acier et de ciment. L’éclatement, ces derniers mois, de la bulle immobilière a suivi celle de la bulle financière.

Evidemment, la crise économique et financière mondiale est venue se surajouter de manière très forte à ce tableau en demi-teinte mais il existait un terrain propice au fort ralentissement qui devrait toucher la croissance chinoise en 2009, certains organismes comme le FMI (Fonds monétaire international) l’évaluant à moins de 7%. Ainsi, les exportations sont en chute libre, les importations (souvent de pièces qui permettent l’assemblage de produits finis ensuite exportés) suivent le mouvement, les investissements directs étrangers (IDE) sont en recul et le chômage en forte progression alors que des milliers d’usines ont mis la clé sous la porte. Et la consommation interne, dont le gouvernement chinois espérait qu’elle prenne le relais des exportations pour soutenir la croissance, est poussive.

« Le défi essentiel des autorités chinoises, explique François Nicolas, est un défi social qui met en avant la légitimité du régime et du parti. Il y a d’abord le creusement très net des inégalités de revenus notamment entre les villes et les campagnes où le revenu moyen est 3,5 fois plus élevé à la ville avec les aides sociales aux populations rurales (sans aide, il est de six fois plus élevé !). Ensuite, il y a le chômage qui se monte à 9,4% de la population active selon les chiffres de l’Académie des sciences et qui touche essentiellement les travailleurs migrants et les jeunes diplômés. Le chômage de ces derniers est plus inquiétant pour le pouvoir car ils sont plus capables de s’organiser et de se mobiliser comme lors des événements de Tian'anmen en 1989. » Si le gouvernement de Pékin ne parvient pas à donner du travail aux jeunes chinois et à calmer les campagnes, il risque d’être confronté à de nombreuses manifestations et à une remise en cause de son action.

Pour tenter de relancer l’économie, « l’arme budgétaire a été la principale réponse des autorités », indique Françoise Nicolas. Plusieurs secteurs prioritaires ont été identifiés qui sont le logement social, les infrastructures, l’innovation, les restructurations, l’aide directe aux ménages. Reste que les opinions sur le plan de relance adopté par Pékin sont mitigées. Car, comme le rappelle François Nicolas, « le gros paquet, ce sont les infrastructures » et « beaucoup de projets contenus dans ce plan de relance avaient déjà été planifiés avant son adoption ; il est donc difficile de savoir ce qui est vraiment nouveau ». Cependant, l’économiste de l’IFRI, si elle partage un certain scepticisme sur les résultats de ce plan qui devraient, selon les autorités, apporter un à deux points supplémentaires de croissance du PIB en 2009 et en 2010, estime que « le diagnostic a été bien posé » et que si les dépenses sont correctement réalisées, cela pourrait signifier la vraie émergence d’un marché intérieur. Néanmoins, toutes ces mesures n’éviteront pas « à court terme, une décélération de l’activité économique ».


Alexandre Vatimbella

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