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dimanche 7 février 2021

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. Pourquoi les extrêmes reviennent toujours?

 On pourrait penser qu’après tant d’échecs et de fiascos, tant de crimes et d’indignité, les mouvements extrémistes de droite comme de gauche seraient un vestige d’une époque où l’on pouvait encore croire à la fable du grand soir tout simplement parce qu’il n’était jamais arrivé jusque-là.

Le XX° siècle nous a ainsi donné une bonne leçon sur cette faribole qui a produit tant d’horreurs qui a recouvert l’Humanité d’une indignité qu’elle devra porter encore longtemps avant de pouvoir s’exonérer de ses fautes immenses.

Néanmoins, après la seconde guerre mondiale, beaucoup pensaient dans l’euphorie de la victoire en avoir fini avec l’extrême-droite et ses deux représentants les plus malfaisants, le fascisme et le nazisme.

Puis, après l’effondrement de l’Union soviétique et le réveil de la Chine dans les années 1980, beaucoup, les mêmes et d’autres, dans l’euphorie de la chute du Mur de Berlin, pensaient en avoir fini avec l’extrême-gauche et son représentant le plus malfaisant, le communisme, et ses diverses branches (léniniste, trotskyste, maoïste).

Le legs des quatre plus odieux dictateurs du XX° siècle, Hitler, Staline, Mao et Mussolini, semblaient être enfin soldé avec, à la clé, des centaines de millions de morts.

D’autant que, dans les poubelles de l’Histoire se trouvaient également Franco, Pol Pot, Pinochet, Khomeyni et quelques autres criminels de la même espèce.

Avions-nous commencé notre repentance collective?

Pas le moins du monde.

Car, en ce début de troisième décade du XXI° siècle force est de reconnaitre que ces «beaucoup», dont votre serviteur, se sont trompés et que le plus grand nombre d’entre ces «beaucoup» a vu s’évanouir l’espoir qu’une démocratie républicaine enfin dominante s’impose «naturellement» dans un monde confraternel, hanté des génocides et des massacres récents, et où l’on célèbrerait les valeurs humanistes.

Bien sûr, nous n’étions pas dupes de ce que l’Histoire n’était ni terminée, ni que son tragique ait disparu dans les limbes.

Ni même que les créatures immondes du totalitarisme avaient pourri définitivement la gueule ouverte dans quelques caniveaux aux eaux boueuses.

Nous savions qu’elles étaient encore tapies dans l’ombre prêtes à bondir sur la démocratie quand l’occasion se présenterait.

Certaines avaient d’ailleurs réussi à survivre à la grande lessive et s’affichait au grand jour comme Mobutu, Kim-Il Sung ou Saddam Hussein.

Les piqûres de rappel furent nombreuses et douloureuses.

Ce fut Tienanmen en Chine, la prise de pouvoir de Poutine en Russie, la résilience du castrisme à Cuba et de la dynastie Kim en Corée du Nord, les nouveaux habits des dictatures militaires comme en Thaïlande ou au Myanmar, les chefs de guerre en Afrique, du Libéria au Congo, du Rwanda au Zimbabwe en passant par l’Ouganda ou la Centre-Afrique, sans oublier les régimes violents dans le monde arabo-musulman, de l’Arabie Saoudite à l’Afghanistan, de la Syrie au Qatar en passant par l’Algérie ou la Libye.

Et la liste pourrait continuer en une sombre litanie.

Il faut y ajouter, bien entendu, le terrorisme avec ses deux plus ignobles figures, Al Qaida et Daesh.

Quant aux pays qui ont instauré la démocratie, ils ont vu les montées des extrémistes et des radicaux, leurs tentations et même leurs tentatives séditieuses qui sont devenues parties du paysage politique depuis maintenant une trentaine d’années avec une accélération de leur capacité à nuire depuis une dizaine d’années.

Voilà pour le constat.

Mais la question essentielle ici est de se demander pourquoi ce pire est toujours possible alors qu’il a démontré son incapacité, ses méfaits et ses atrocités?

Pourquoi l’humain est toujours prêt à accepter d’être sous le joug plutôt que de vivre en la liberté?

Sur CNN une partisane de Trump et des contributeurs du réseau élucubrationiste (complotiste) QAnon a expliqué qu’elle croyait tout ce que lui disaient celui-ci et ceux-là parce qu’elle avait toujours été élevée pour obéir et suivre…

Ce genre de comportement est malheureusement bien connu mais il n’est pas une raison satisfaisante et certainement pas unique qui ferait que des esprits faibles se laissent embobiner par des démagogues vicieux et des propagandistes malins.

Lorsque l’on voit les mouvements de foule dans les pays démocratiques, on est frappé de la haine et de la rage qu’ils exhalent de tous les pores de leurs participants.

Rage et haine sont deux des moteurs favoris des extrêmes contre les démocraties libérales.

Ce sont aussi deux carburants essentiels des totalitarismes.

De même, un monde inconnu et angoissant fait que beaucoup cherchent des réponses qui les rassurent et les idéologies fermées des extrêmes qui expliquent tout, qui pointent de manière manichéenne les bons et les méchants ainsi que les boucs émissaires du tout ce qui ne va pas bien, qui affirment où est la seule vérité possible sont, pour eux, les bienvenus.

Les mouvements terroristes sont là pour le démontrer jusqu’à l’ignominie.

Et puis il y a cette liberté dont tous ces gens ne savent pas quoi en faire et qui devient plus anxiogène qu’émancipatrice parce qu’elle requiert respect et responsabilité – deux attitudes qui nécessitent de penser à autre chose qu’à son unique intérêt – plus un objet gênant dont il faut se débarrasser qu’un outil pour vivre son projet de vie et faire épanouir son individualité.

Oui, le terreau qui permet la résilience des extrêmes malgré leurs échecs constants et les exemples vivants de leurs turpitudes, n’est pas prêt de disparaitre.

Même le fait qu’en ce XXI° siècle, il y ait un nombre de citoyens mieux formés et informés ne suffit pas qu’à ce qu’un grand nombre demeurent prêts à s’embrigader derrière les hérauts de l’autoritarisme et de l’intolérance ou à leur laisser le champs libre sans réagir.

Parce qu’il y a cette évidence que nous voulons oublier lorsque nous parlons d’extrémisme et totalitarisme: aucun parti liberticide dans une démocratie ne peut exister sans électeurs et aucun régime despotique ne peut survivre sans l’appui d’une partie significative de la population, que celui-ci soit tacite ou s’exprime (c’est un peu différent pour une organisation terroriste).

Et les indifférents sont leurs complices.

Alors, le constat est que l’extrémisme existera toujours et que, corrélativement, la démocratie sera toujours un combat et jamais une guerre définitivement gagnée.

Ce n’est pas que nous ne soyons pas capables intrinsèquement de vivre en liberté mais cela requiert des individus qui savent et qui savent utiliser ce qu’ils savent.

Surtout, il faut des individus qui acceptent le prix de la liberté.

Trop nombreux sont encore ceux qui ne veulent pas le payer.

Des sortes de radins de la dignité humaine…