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lundi 29 juin 2015

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. La lente décomposition des Brics est-elle inévitable?

Le prochain sommet des Brics se tiendra en Russie du 8 au 10 juillet.
Qui se soucie encore de la réunion de ces cinq pays (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) dont on disait, il n’y a pas si longtemps qu’ils étaient les futurs grands de la planète aux côtés des Etats-Unis et de l’Union européenne.
Personne à part la Russie qui s’y accroche comme à une bouée de sauvetage (et une manière de se venger des Occidentaux depuis la crise ukrainienne) et peut-être la Chine, seule vraie grande puissance de ce quintette, qui aimerait toujours en faire un club sous ses seuls ordres?
Car, aujourd’hui, le Brics, si jamais il a voulu dire quelque chose, ne représente plus grand-chose.
Déjà, économiquement parlant, entre une Chine et une Inde qui parviennent à maintenir difficilement – selon les chiffres qu’elles fournissent que tous les experts considèrent comme peu fiables – une croissance encore significative et une Russie et un Brésil en récession – sans parler d’une Afrique du Sud qui fait de plus en plus figure d’anachronisme dans le club – il n’y pas plus beaucoup de points commun.
Si l’on cherche au niveau politique et au niveau des relations internationales, c’est encore pire malgré la façade que tentent de présenter les chefs d’Etat à chacune de leur réunion.
Ainsi, quoi de commun entre une Chine et une Russie de plus en plus répressives au niveau des libertés de leurs citoyens et fustigeant sans cesse les «valeurs occidentales», un Brésil démocratique et aux valeurs occidentales ou même une Inde malgré quelques poussées d’intolérance dans «la plus grande démocratie du monde»?
Sans parler d’intérêts totalement divergents en matière international et de mondialisation quand ce n’est pas des confrontations plus ou moins latentes entre membres du Brics à l’instar de tous les problèmes qui opposent la Chine à l’Inde, des différends frontaliers à la bataille entre les produits à bas coûts des deux pays, sur fond d’agressivité chinoise vis-à-vis de tous les pays d’Asie (sauf la Corée du Nord…) et de déploiement militaire pour impressionner ceux qui oseraient résister.
Alors, bien sûr, l’agenda du sommet d’Oufa, capitale de la république russe de Bachkirie est bien rempli avec, par exemple, la création d’un fonds commun de réserves, la mise sur pied (enfin?) de la banque d’investissement sensée concurrencer la Banque mondiale et le FMI (alors même que la Chine vient de créer avec l’appui des Occidentaux sa propre banque d’investissement…) ou l’établissement d’un front commun contre l’Occident partout où c’est possible.
Et l’on pari que le communiqué final sera, comme d’habitude triomphant avec nombre de tâches à finaliser… qui ne le seront jamais!
Elles ne le seront jamais car aucun pays, à part la Russie dont son chef, Vladimir Poutine, rêve d’une nouvelle Union soviétique, ne veut vraiment suivre les autres tant leurs intérêts sont aux antipodes.
Ainsi, l’Inde a bien plus peur de la Chine que de n’importe quel autre pays au monde. Le Brésil ne veut absolument pas tomber sous la coupe des Chinois dont il est déjà si dépendant pour vendre ses matières premières. La Russie a beau vouloir faire amie-amie avec la Chine, si la haine des Occidentaux ne réunissaient pas les deux régimes autocratiques, c’est bien l’une envers l’autre eux qu’ils la partageraient.
Quant à l’Afrique du Sud, elle voit avec une grande inquiétude la Chine piller les richesses de l’Afrique sans pour autant participer au développement du continent, provoquant de plus en plus de réactions violentes des peuples à sa présence.
Mais alors pourquoi le Brics existe toujours?
Parce qu’il permet à chacun des pays membres de ce club que l’on aurait du mal à qualifier d’amical de poursuivre ses propres buts et non, comme l’affirme la propagande gouvernementale venue essentiellement de Russie et de Chine, parfois d’Inde, de partager des visions communes qui, si elles existent, ne sont qu’accessoires.
La Chine a besoin d’alliés pour s’établir comme une superpuissance qui compte; la Russie a besoin d’un club d’«amis» pour tenter de faire croire qu’elle est encore une superpuissance et qu’elle n’est pas isolée sur le scène internationale; l’Inde a besoin de cacher tous ses dysfonctionnements et ses retards impressionnants en matière de développement en étant adoubée par des puissances dynamiques; le Brésil a besoin du Brics pour s’autoproclamer première puissance d’Amérique latine face à l’Argentine et afin de se positionner face aux Etats-Unis sur le contient américain; l’Afrique du Sud a besoin de ces quatre grands pays pour faire croire qu’elle en est un.
Il est donc fort possible que le Brics continue à exister encore pendant des années.
Ce qui est moins sûr, c’est que ce club prenne vraiment des décisions importantes ou qu’il se transforme en une alliance plus approfondie entre des pays qui craignent sans doute encore plus ce cas de figure que son délitement…
Et ce dernier est sans doute son avenir le plus probable.
Alexandre Vatimbella
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