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vendredi 18 mars 2011

EDITORIAL. Chine: passer du culte du PIB à celui du bonheur


En devenant, en un peu plus de trente ans, la deuxième puissance économique mondiale, devant le Japon et derrière les Etats-Unis, la Chine a accompli un formidable bond en avant quasiment unique dans les annales de l’Histoire.
Mais cet extraordinaire résultat a été payé au prix fort. Des régions dévastées par la pollution et la destruction de l’environnement, une corruption endémique et le creusement abyssal des inégalités sociales sont les conséquences de cette course folle.
Tout cela parce qu’après avoir refusé le développement économique à la mode occidental, les autorités chinoises, réveillée du cauchemar maoïste, ont poussé la logique contraire jusqu’à l’extrême en en faisant la priorité des priorités. D’où ce culte du PIB qui a permis des croissances annuelles au-delà des 10%. Un culte remis en cause aujourd’hui par ces mêmes autorités qui se préoccupent du bonheur de leurs concitoyens.
Pour l’hebdomadaire China newsweek, dans sa dernière livraison, le constat est rude: «Il y a 30 ans, la Chine a réussi à passer du travail idéologique au développement économique en introduisant la notion de PIB et a obtenu de grands progrès. Mais depuis quelques années, la Chine se fait piéger progressivement par le culte de la croissance. Une série d’objectifs et de politiques visant une croissance accélérée ont fini par distordre la structure du gouvernement en le transformant en entreprise lucrative. La concurrence entre gouvernements locaux, fortement critiquée par les experts, en est une manifestation typique, dont les mauvaises conséquences frappantes s’affichent pleinement dans la démolition ou la réquisition des terres. Une série de problèmes économique, social, politique voire spirituel se produit. Les valeurs du culte de l’argent et de la fortune ou du matérialisme se répandent sans obstacle dans la société chinoise».
Une époque qui touche à sa fin selon l’hebdomadaire et qui devrait être remplacé par la notion de «Chine heureuse». Ainsi, Wen Jiabao, le Premier ministre, est venu devant l’Assemblée populaire (le Parlement) pour insister sur la nécessité d’accroître les dépenses sociales et de lutter contre la hausse des prix, en parlant très clairement du «bien-être de la population» et d’une société «tranquille, en bon ordre».
Il a également déclaré que le gouvernement doit «faire de l'amélioration des conditions de vie de la population un pivot, combinant réformes, développement et stabilité».
De son côté, le ministre des finances, Xie Xuren, a  affirmé, qu’en 2011, les deux-tiers du budget du pays seront utilisés pour l'amélioration des conditions de vie du peuple.
Le plan quinquennal ne fixe plus, de son côté, d’objectifs précis de hausse annuelle du PIB (les fameux 8%) mais indique une volonté d’atteindre globalement, sur les cinq ans à venir, une hausse aux alentours de 7% par an.
Et Newsweek d’expliquer que, «récemment, le gouvernement chinois a recommencé à réfléchir à l’objectif final du développement économique et la notion de l’indice du BNB (Bonheur national Brut) est abordée de plus en plus fréquemment dans les rapports de travail (…). L’indice du BNB est devenu une orientation politique, la priorité étant de la transformer en action mobilisant la force de toute la société (…). La démocratie y jouera un rôle important. Ecouter attentivement la volonté et la voix du peuple dans la prise des décisions, et le sentiment de bonheur des citoyens sera effectivement amélioré».
Evidemment, cela est plus facile à dire et à écrire qu’à faire. Et la résistance qui viendra des gouvernements régionaux et des potentats locaux risque d’être forte. De même que celle des Chinois aisés des villes dont l’envie de s’enrichir ne connaît pas de limite dans une économie aussi florissante.
Néanmoins, la reconnaissance de l’urgence de s’occuper de tous ceux qui se trouvent au bord du chemin de la croissance mais aussi de rééquilibrer le développement du pays dans tous ses aspects est un premier pas important. Sera-t-il suivi d’autres, plus concrets? Il faut l’espérer.

Alexandre Vatimbella
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