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mardi 8 novembre 2022

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. Le fondement de la démocratie n’est pas le bon vouloir du peuple mais le respect de la dignité humaine

En démocratie républicaine, il y a évidemment la volonté populaire – qui doit se manifester à la fois par la représentativité et la participation, dans l’expression du peuple sur son présent et son avenir.

Cependant, il y a corpus qui est au-dessus de cette volonté: ce sont les principes fondamentaux qui assurent que chacun peut bénéficier de ce régime humaniste.

Ils fondent sa métalégitimité, sont donc intangibles et irrévocables, c’est-à-dire qui ne peuvent être changés ou dénaturés au gré des caprices populaires sauf à modifier la nature même de ce qu’il est.

Et, oui, ils sont au-dessus de la volonté populaire.

Quels sont-ils?

Il y a d’abord la liberté individuelle qui ne peut en aucun cas être supprimée même dans celui hypothétique où toute la population existante sans exception le souhaiterait car ce serait ôter ce droit «naturel» aux générations à naître.

L’adage est que la liberté ne peut tuer la liberté.

Il ya ensuite l’égalité car il n’est pas possible en démocratie républicaine de désigner des citoyens qui auraient plus de droits que les autres, qui seraient au-dessus des autres, qui auraient plus de valeur que les autres.

Mais cette égalité ne peut toucher à l’individualité de chacun, celle qui fonde ce qu’il est dans sa différence en quelque sorte sui generis.

L’égalité ne peut nier la différence qui ne peut annihiler l’égalité.

Puis on trouve cet autre fondement qui est la protection des droits de la minorité, c’est-à-dire la protection de tous ceux qui n’ont pas voté pour la majorité en place.

Pour paraphraser la citation apocryphe de Voltaire qui n’en résume pas moins sa pensée, je ne suis pas d’accord avec vous mais je me battrai pour que vous ayez les mêmes droits que moi.

Bien sûr, ces piliers impliquent d’autres droits comme celui de vivre en sécurité, celui de voter, celui de bénéficier de la solidarité de la société en cas de besoin (fraternité) et d’autres.

Tous ont un point commun: assurer et protéger la dignité de chaque individu dans une société du respect de l’autre.

Car c’est bien la dignité humaine qui est le soubassement de tout l’édifice démocratique.

Son respect est une évidence pour l’existence d’une démocratie républicaine qui profite à tous et qui garantit à chacun sa place dans la société et l’effectivité de ses droits.

La conséquence de ces principes fondamentaux est l’impossibilité de supprimer la démocratie républicaine et, par extension, tout régime ne les respectant pas se trouve être illégitime.

Car c’est bien de cela qu’il s’agit, surtout à cette époque de la montée des intolérances, du populisme et d’une remise en cause de l’humanisme.

Donner le pouvoir, même à une majorité d’électeurs, de supprimer la démocratie revient à nier la dignité de l’individu parce que rien de ce qui peut attenter à celle-ci n’est acceptable dans un tel régime.

Offrir à chacun le respect de sa dignité en échange de son adhésion à la démocratie est donc le pacte originel de la démocratie.

Il était sous-tendu dès la fondation de la première démocratie mais n’était pas alors reconnu comme cette pierre angulaire sans laquelle tout l’édifice démocratique s’effondre.

La dignité impose évidemment d’autres conséquences dont celle que les valeurs humanistes ne soient pas seulement des références mais bien des impératifs qui doivent guider l’action de la société.

Pas de liberté, d’égalité, de respect de l’individualité et de protection de la minorité virtuelles mais effectives, réelles, c’est-à-dire une recherche constante de leur application.

Ceux qui pensent que cette dignité est abusive parce qu’elle met l’individu sur un piédestal face à la société, donc à la communauté, ont tort.

Parce que si cette dignité est reconnue à tous sans exception, pour mériter sa protection par la société, l’individu doit accepter celle de l’autre donc agir en citoyen responsable, donc reconnaitre la communauté dans laquelle il vit, ses métavaleurs et la nécessité du partage avec les autres membres de celle-ci.

Un lien social basé sur la dignité de l’individu est bien plus solide, bien plus légitime que tout autre principe d’autant que le respect de l’autre ne peut être, c’est une évidence, que symétrique et transitif.

Pour répondre à la critique sur ce changement du paradigme de sa légitimité, il est évident que la démocratie nécessite le droit de vote du citoyen pour exister, donc de la volonté populaire.

Mais ce droit et cette volonté inaliénables ne doivent pas pouvoir se remettre eux-mêmes en question, surtout de pouvoir supprimer la liberté et, encore moins, la dignité de chaque individu.

C’est en cela que l’on ne peut priver l’humain de sa dignité en démocratie parce qu’elle conditionne la liberté qui conditionne le droit de vote, qu’elle conditionne tout l’édifice démocratique.

 

Alexandre Vatimbella