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lundi 28 juillet 2008

RUSSIE-INTENRANTIONAL. Le Sénat appelle à renforcer les relations franco-russes

Un rapport du Sénat jette la lumière sur les évolutions politiques et économiques en cours au pays de Dmitri Medvedev et Vladimir Poutine. Pour les sénateurs la présidence française de l'Union européenne doit servir à renforcer les liens entre la Russie et l'Europe.

C'est le grand retour de la Russie sur la scène internationale et il ne faut pas rater le coche. C'est, en substance, le message délivré par le Sénat dans son rapport "Où va la Russie ?". Au moment où l'Union européenne et la Russie viennent de lancer les négociations sur un nouvel accord de partenariat lors du sommet de Khanti-Mansiisk, en Sibérie, les 26 et 27 juin derniers, la présidence française de l'Union européenne au second semestre de l'année 2008 "représente une réelle opportunité" de relancer les relations franco-russes, estiment les rapporteurs. "La Russie représente un partenaire important pour l'Union européenne. Elle constitue, en effet, son plus grand voisin, son troisième partenaire commercial et son premier fournisseur d'hydrocarbures", souligne le rapport, qui fait suite à une mission de la commission des Affaires étrangères qui s’est rendue en Russie, du 21 au 25 avril 2008. Les sénateurs analysent tout d'abord le renforcement de la "verticale du pouvoir" autour du tandem Medvedev-Poutine dont l'image "tranche évidemment avec celle, très dégradée" des années Eltsine. Un pouvoir qui repose sur l'influence des "siloviki" ces hommes provenant des "structures de force" (armée, police, services de renseignements). Mais la mission ne cède pas au discours dominant en Europe sur la "dérive autocratique" du pouvoir russe. Elle décrypte les enjeux diplomatiques de la Russie avec son "étranger proche", en particulier la Biélorussie et l'Ukraine, et avec l'Otan.
Une croissance à 7%
Surtout, le rapport souligne les grands progrès accomplis en matière économique, grâce en particulier à l'arme énergétique. Tous les indicateurs macro-économiques de la Russie sont au vert. Depuis 1999, le PIB s'est considérablement accru pour atteindre plus de 1.700 milliards de dollars en 2007, "ce qui place la Russie au 9e rang mondial, juste derrière la France (avec 1.800 milliards de dollars) et l'Italie". La croissance économique demeure soutenue, "avec un rythme annuel supérieur à 6 % depuis 1999 et un gain de 7 % en 2007", précise le Sénat. Côté finances, le budget et les comptes extérieurs sont excédentaires, la dette publique a été résorbée. Les excédents budgétaires sont "transférés à un fonds de stabilisation budgétaire, qui est alimenté aujourd'hui à hauteur de 200 milliards de dollars". Grâce aux exportations d'hydrocarbures "la banque centrale a accumulé des réserves supérieures à 500 milliards de dollars. La Russie est parvenue à réduire considérablement sa dette extérieure, passée de 150 % du PIB en 1998 à 9 % du PIB en 2006". Même tableau sur le front du chômage : la Russie est aujourd’hui « proche du plein emploi" et "a même recours à des travailleurs étrangers, en provenance principalement des anciennes républiques soviétiques", pour faire face à la pénurie de main d'oeuvre dans certains secteurs, comme le bâtiment.
L'économie russe apparaît toutefois hypertrophique avec des secteurs pétrolier et gazier représentent à eux seuls 12% du PIB, près de 40% des recettes fiscales et environ la moitié des exportations. Pour les experts de la Banque mondiale, le secteur énergétique représenterait même près de 25 % du PIB russe. Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, "une augmentation de 1 dollar du prix du baril représente une augmentation de 0,5 point de PIB et 6% de recettes budgétaires en plus".

La Russie fait figure de géant énergétique : premier producteur et exportateur mondial de gaz naturel (avec 30% des réserves mondiales et 87% de la production), elle est également le deuxième producteur et exportateur mondial de pétrole, derrière l'Arabie Saoudite. Elle détient 30% des réserves mondiales de gaz. Premier exportateur mondial d’énergie.
La démographie : un talon d'Achille
Ces indicateurs pourraient faire pâlir d'envie n'importe lequel des pays occidentaux. Seulement la Russie a un talon d'Achille : sa démographie. Le pays a perdu près de cinq millions d’habitants depuis l'effondrement de l'URSS, avec une population de 142,5 millions d’habitants aujourd’hui. "Entre 1992 et 2007, on estime que la population de la Russie a diminué de 400.000 personnes par an", indiquent les rapporteurs. Toutefois la situation amorce un léger redressement : après une dégradation de l’espérance de vie depuis 1960, en 2006, "pour la première fois l’espérance de vie des hommes a de nouveau cru (60,4)", soit un an et demi de plus qu’en 2001. La natalité a atteint, en 2007, son plus haut niveau depuis vingt-cinq ans, passant de 8,3 °/°° à 11,3°/°°. Mais le taux de fécondité n’est que de 1,2 enfant par femme, bien loin des 2,1 nécessaires au renouvellement des générations. Si rien n’est fait pour enrayer le phénomène, la population russe pourrait être de 101,5 millions d'habitants en 2050, selon les prévisions des Nations unies.
La mission sénatoriale a pu constater que "les régions sous peuplées de Sibérie suscitent une grande méfiance de la part de la Russie" vis-à-vis de la Chine : "Au cours de sa visite, la délégation a eu le net sentiment que cette question était dans tous les esprits des responsables russes, même si elle reste encore taboue pour nombre d'entre eux."
Enrayer ce déclin démographique et améliorer les conditions de vie : c'est devenu "la priorité du gouvernement Poutine" pour les années à venir, constate le rapport.
La place de la France
Dans ce contexte, les relations franco-russes ont pris du retard. La France figure, en effet, "au neuvième rang des fournisseurs de la Russie, loin derrière l'Allemagne et derrière l'Italie". Le marché russe n'absorbe que 0,7 % des exportations françaises et l'Hexagone creuse son déficit commercial avec le géant russe, déficit qui a atteint 4,7 milliards d'euros en 2006. Principale explication : la forte hausse du prix des hydrocarbures. "Exportatrice de produits finis, la France importe, en effet, essentiellement du pétrole et du gaz, ainsi que des produits chimiques et des métaux en provenance de Russie", expliquent les sénateurs. En matière d'investissements directs, la France occupe la sixième place, après Chypre, les Pays-Bas, les Etats-Unis, l'Allemagne et le Royaume-Uni.
Les sénateurs se félicitent de la participation de Total à la première phase du projet de Chotkman, un gisement gazier situé en mer de Barents, à 600 km des côtes, dans des eaux gelées une bonne partie de l'année, ce qui en fait l'un des plus grands défis technologiques à l'heure actuelle. L'accord entre la société française et Gazprom a été signé, le 13 juillet 2007. Selon le rapport, il pourrait s'agir de l'un des plus importants gisements de la planète : "les réserves qu'il contient suffiraient, à elles seules, à couvrir les besoins en gaz de l'Union européenne pour les vingt-cinq prochaines années." Total sera le principal opérateur occidental, avec une prise de participation de 25% dans le capital de la nouvelle société, la part de Gazprom, actuellement de 75%, ne pouvant descendre en dessous de 51%. Le gaz de Chotkman, dont l'exploitation est annoncée pour 2013 serait la principale ressource d'exportation vers l'Europe via le Gazoduc nord-européen (North Stream).
"Office franco-russe pour la jeunesse"
Mais la participation de Total à cet énorme projet est sans doute l'arbre qui cache la forêt car les PME françaises sont "encore très peu actives en Russie", notamment par rapport à leurs concurrentes italiennes ou allemandes.
Avec 750.000 Russes qui apprennent le français (soit la troisième langue derrière l'anglais avec 11 millions et l'allemand 3 millions), la France a pourtant des atouts. Mais inversement les élèves français ne sont que 15?000 élèves, soit 5,5 %, à apprendre le russe. 2300 étudiants russes font leurs études en France sur un total de 216 000 étudiants étrangers. "Il paraît dès lors indispensable de prendre des initiatives afin de renforcer la coopération scolaire et universitaire entre la France et la Russie", soulignent les sénateurs. Ils proposent la création d’un "office franco-russe pour la jeunesse", sur le modèle de l'office franco-allemand de la jeunesse.


Michel Tendil

© 2008 LesNouveauxMondes.org

Voir le rapport "Où va la Russie ?"
http://www.senat.fr/noticerap/2007/r07-416-notice.html