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mercredi 10 avril 2024

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. Enseignant et journaliste ou la mission impossible d’instruire?


L’enseignant et le journaliste sont deux hussards de la démocratie républicaine.

Un individu ne devient un citoyen responsable de sa vie, digne et capable de vivre son individualité que s’il est correctement formé et informé tout au long de son existence.

Pour cela il doit être «instruit» c’est-à-dire que son cerveau soit nourri par une somme de connaissances qui va lui permettre de modeler lui-même son esprit et sa personnalité et d’être en capacité de prendre les bonnes décisions face à la vie, aux expériences et aux événements qui jalonneront son existence et qui lui serviront à mener du mieux possible son projet de vie.

Et pour l’instruire, il faut qu’on l’enseigne, c’est-à-dire qu’on lui transmette un savoir le plus exhaustif possible et qu’on l’informe c’est-à-dire qu’on lui transmette une information la plus complète et la plus objective possible.

Instruire l'individu pour en faire un citoyen est donc la mission de l’enseignant et du journaliste, enseigner et informer sont donc les deux mamelles de la démocratie.

Le projet démocratique repose d’abord sur ces deux devoirs de la société envers ses membres.

Mais plus l’existence du régime démocratique s’étend – bientôt 250 ans qu’il a été instauré aux Etats-Unis – plus le constat de l’échec de la mission de donner vie à un peuple instruit – c’est-à-dire à tous ses membres ou à la grande majorité d’entre eux – s’impose.

Est-ce dû aux manquements de l’enseignant et du journaliste ou à celui du destinataire de leur formation et de leur information?

Comme tous sont des êtres humains, eux et lui!

Sauf qu’à la décharge des deux premiers dont il ne s’agit pas ici de remettre globalement en cause leurs capacités et leurs investissements dans leurs missions, enseigner et informer – au-delà des incompétents et des imposteurs qui existent comme dans toutes les professions – semblent bien des missions impossibles.

Mission impossible non pas pour tous les individus mais pour tout au moins une partie importante d’entre eux, voire peut-être une majorité.

Ce qui amène à énoncer ce constat d’échec est la réalité que nous avons devant les yeux quotidiennement.

Au-delà du fait que nous sommes tous amenés à dire et à relayer parfois des âneries et des mensonges au cours de notre présence sur Terre du fait de notre ignorance et de notre suffisance, pour ne pas dire notre bêtise, beaucoup d’entre nous – la majorité? – sont incapables au cours de leur entière existence de faire le tri afin de démêler le vrai du faux, souvent par une inaptitude à utiliser correctement le tamis de la rationalité pour canaliser les affects et éliminer le plus possible les émotions négatives qui, telles des sangsues vident notre cerveau de ses capacités logiques mais aussi de ce refus de confronter ses certitudes à une analyse rigoureuse où le questionnement doit souvent primer sur l’affirmation péremptoire pour dégager le plus possible les éléments de la réalité.

Bien sûr, les transmissions du savoir et de l’information telles qu’elles sont organisées jusqu’à présent, sont bien loin de répondre aux critères idéaux nécessaires à former systématiquement un citoyen responsable capable de prendre en charge son existence et de décider en toute connaissance de cause pour le bien de ses intérêts et de la communauté dans laquelle il vit.

Cependant, dans la réalité, le savoir et l’information adéquats existent mais ne semblent guère intéresser une grande partie des individus qui préfèrent croire plutôt que raisonner.

D’ailleurs ce ne sont pas les plus ignorants d’entre nous qui «croient n’importe quoi» mais ceux qui veulent bien croire n’importe quoi…

On ne peut pas en conclure à ce stade de l’évolution de la démocratie et de ses progrès que la mission d’instruire est définitivement impossible donc que le socle sur lequel se base cette démocratie est parcouru de fissures qui, non seulement, l’empêchent de fonctionner correctement mais qui la mène presqu’à coup sûr, à terme, à sa disparition.

En revanche, on peut affirmer qu’elle a largement failli depuis que les pays qui l’on adoptée comme régime de gouvernement, ont rendu l’école obligatoire et ont assuré la liberté d’opinion, donc celle d’expression et, in fine, celle de la presse.

L’état des lieux n’est donc guère optimiste et c’est sur celui-ci que l’on est obligé de réfléchir à l’état actuel de la démocratie et des dangers qui menacent son existence.

Surtout à prendre les décisions d’une absolue nécessité et diligence pour que les brèches de la formation et de l’information de l'individu soient le plus possible comblées.

Et ce n’est qu’après avoir remplie cette tâche essentielle et que cet état des lieux alarmant persiste, que l’on pourra réellement répondre à la question sur la capacité des humains à vivre dans une vraie démocratie.

Alexandre Vatimbella