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samedi 30 janvier 2010

EDITORIAL-MONDIALISATION. La Chine sera-t-elle Docteur Jekyll ou Mister Hyde ?


Comment la Chine va-t-elle gérer sa nouvelle puissance (ou sa puissance retrouvée si l’on préfère) ? De manière arrogante ou avec responsabilité ? C’est la question principale que se posent les experts du monde entier mais aussi les gouvernants. Car les signes qui sont en faveur de l’un et l’autre comportement ne manquent pas avec une tendance plus marquée vers l’arrogance. Cela n’est guère surprenant, tout régime autoritaire adoptant plus facilement une telle posture quand il possède la puissance. La Chine est gérée par un parti unique qui, comme toute organisation monopolistique, n’est guère porté vers l’ouverture et la libéralisation.

Les derniers succès économiques de la Chine ont ainsi été l’occasion d’une certaine morgue des autorités chinoises, si ce n’est d’une confiance excessive si l’on veut en parler du point de vue des possibles effets négatifs pour l’Empire du Milieu. Que l’on pense à la mascarade du sommet climatique de Copenhague où Pékin a bloqué toute décision pour lutter contre la pollution atmosphérique tout en prétendant le contraire ; à la fin de non-recevoir à réévaluer la valeur d’un yuan scandaleusement sous-estimée à dessein tout en affirmant être une économie de marché ; aux provocations politico-économiques contre des entreprises étrangères, de Danone à Google, tout en déclarant respecter la libre entreprise. Sans oublier le raidissement contre la liberté d’expression qui ne fut plus ou moins tolérée que lorsque le Parti communiste ne pouvait se permettre d’avoir une mauvaise image de marque comme pour les Jeux olympiques de Pékin de 2008. Et l’on peut y ajouter les comportements néo-colonialistes des entreprises chinoises en Afrique, les rodomontades guerrières contre l’Inde et Taïwan, l’irresponsabilité en matière de relations internationales (du refus de faire cesser le génocide au Soudan au refus de prendre des sanctions contre l’Iran). La liste est désespérément longue en faveur de Mister Hyde…

Néanmoins, Docteur Jekyll n’est pas toujours forcément absent. Dans certains domaines cela dépend de comment on voit le verre, à moitié plein ou à moitié vide. Oui, les libertés sont limitées en Chine mais cela a permis pendant trente ans de rattraper un retard économique et de faire sortir de la pauvreté des centaines de millions de Chinois et de l’extrême pauvreté quelques centaines de millions d’autres (tout en faisant faire un bon exponentiel à la corruption et à la criminalité organisée…). Oui, en matière de relations internationales, la Chine joue sa propre partition mais elle n’est pas une menace pour la paix malgré son ton agressif quand il s’agit de Taïwan qu’elle considère comme faisant partie de son territoire, tout comme le Tibet ou de certaines bandes de territoire à la frontière avec l’Inde. Oui, la Chine a grugé le monde à Copenhague mais elle met en place un programme très ambitieux en matière éolien ainsi que dans le secteur de l’énergie solaire tout en débloquant des sommes importantes pour bâtir une industrie verte performante. Oui, la Chine ne joue pas le jeu de la concurrence avec sa monnaie sous-évaluée, ses barrières contre les capitaux et les produits étrangers (sauf ceux de haute technologie dont elle a besoin stratégiquement) ainsi que ses subventions illégales à ses entreprises exportatrices mais elle a, en revanche, pris part à tous les sommets mondiaux, notamment ceux du G20, pour tenter de réguler la mondialisation afin d’éviter une catastrophe économique et financière à l’échelle de la planète.

Cela ne suffit pas à faire aujourd’hui de la Chine une puissance responsable cogérante de la mondialisation car la volonté politique, essentielle dans ce domaine, est absente. La Chine semble plutôt vouloir profiter au maximum de son statut hybride entre pays en voie de développement et grande puissance économique mondiale, entre régime autoritaire et un développement embryonnaire d’un Etat de droit pour faire valoir ses droits tout en oubliant ses devoirs. Bien sûr, Rome ne s’étant pas faite en un jour, Pékin a le droit à réclamer de l’indulgence en affirmant n’être qu’à un stade intermédiaire de sa montée en puissance. Pour autant, l’indulgence vis-à-vis d’un pays dirigé par un parti unique qui met ses opposants en prison et qui s’affranchit de plus en plus de l’opinion mondiale grâce à sa puissance économique et financière n’a jamais vraiment été, dans l’histoire, bénéfique pour la liberté et la paix.

C’est donc dans la capacité de la société civile chinoise d’imposer une libéralisation du régime que vient une partie de la solution. Celle-ci, jusqu’à présent, est presque totalement tournée vers la recherche de ce bien-être matériel après de si longues années de vache maigre et goûte cette paix civile qui a tant fait défaut à la Chine au cours de son histoire tumultueuse. Une histoire que les dirigeants du Parti communiste, aujourd’hui plus nationalistes que communistes d’ailleurs, connaissent sur le bout des doigts. Ils savent que l’unité du pays n’est jamais une donnée. Pour l’imposer, ils ont décidé de garder une main de fer sur cette société civile. Mais si le développement de la Chine a été jusqu’ici unique – un développement excessivement rapide du capitalisme sous un régime très autoritaire -, le point de convergence entre liberté économique et droits de l’homme se rapproche au fur et à mesure que cette société civile se structure et s’enrichit. Le seul danger qui menace cette rencontre est l’insupportable idée pour un parti autoritaire de perdre le pouvoir avec une préférence pour retour en arrière plutôt que pour libéraliser le pays. Cela n’éviterait pas les troubles sociaux mais permettrait sans doute de les mater plus facilement. Tour serait alors à recommencer. Mais, là aussi une leçon de l’histoire nous apprend que les régimes autoritaires préfèrent souvent survivre aux dépends de l’avenir du pays plutôt que de s’effacer pour son bien. Aux dirigeants chinois de choisir leur voie et leur place dans l’histoire. Rien pour l’instant n’est totalement donné mais les échéances se rapprochent…

Alexandre Vatimbella