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mardi 4 janvier 2011

EDITORIAL-MONDIALISATION. Europe: la Chine, une amie bien encombrante


Aide-toi et la Chine t’aidera! Voilà le nouveau mot d’ordre des pays européens que Pékin leur a transmis ces derniers mois. Tout en prodiguant quelques conseils pour assainir leurs économies, les Chinois sont venus au secours de la Grèce puis du Portugal. Les voilà maintenant qui récidivent avec l’Espagne. Déjà premier fournisseur de l’Union européenne, la Chine pourrait aussi devenir son premier prêteur et son principal investisseur... tout en demeurant un de ses principaux concurrents. Bien sûr, il ne s’agit, le plus souvent que de déclarations de «bonnes intentions» mais il y a aussi des actes concrets qui pourraient préfigurer, sinon une mainmise de la Chine sur l’Union européenne, du moins une certaine forme de tutelle.
L’analyse chinoise est assez simple. L’Union européenne est le premier partenaire économique de la Chine et son premier client. De même, c’est une zone de libre-échange avec plus de 500 millions de consommateurs qui connaît des problèmes mais qui demeure très attractive. On peut donc y faire son marché à moindre frais et y placer une partie des mirifiques réserves de devises (2.600 milliards de dollars) que l’on a amassées ces dernières décennies. Surtout pour y investir et prendre le contrôle d’entreprises qui ont un savoir-faire et qui possèdent des technologies de pointe dont la Chine a un important besoin afin de progresser dans son développement économique.
Comme l’explique Xinhua, l’agence de presse officielle chinoise, à l’orée d’une visite du vice-premier ministre Li Keqiang en Espagne, en Grande Bretagne et en Allemagne, «l'Europe constitue la première zone économique développée du monde, et la Chine le plus important pays en voie de développement. Le renforcement de la confiance politique mutuelle et l'approfondissement de la coopération pratique dans les domaines économiques, commerciaux et culturels comportera une importance significative».
Du côté européen, l’investissement chinois a d’abord été vu avec une certaine bienveillance mais, bien vite, les responsables politiques et, surtout, économiques y ont vu une menace. Ainsi, Bruxelles réfléchit sérieusement à empêcher la vente d’entreprises européennes stratégiques à la Chine sur le modèle de ce qui existe déjà aux Etats-Unis avec le Comité chargé des investissements étrangers mis en place du temps de la splendeur du Japon et de ses rachats de fleurons de l’industrie américaine.
C’est le sens de la déclaration récente d’Antonio Tajani, le commissaire européen à l’industrie qui tira le signal d’alarme: «Les entreprises chinoises qui en ont les moyens achètent de plus en plus d'entreprises européennes disposant de technologies clefs dans des secteurs importants. Il s'agit d'investissements, mais, derrière, il y a aussi une stratégie politique à laquelle l'Europe doit répondre politiquement». On ne peut être plus clair.
En outre, la Commission de Bruxelles veut désormais aborder les relations commerciales avec la Chine sous le sceau de la «réciprocité». Réciprocité monétaire (avec un yuan réévalué), réciprocité commerciale (avec des règles identiques pour les entreprises européennes en Chine et les entreprises chinoises en Europe pour éviter le protectionnisme de Pékin, notamment pour l’attribution de marchés publics), réciprocité économique (avec des contraintes économiques et sociales qui doivent s’harmoniser entre les deux partenaires).
Sans oublier que la Chine est un concurrent de plus en plus agressif face aux produits européens (après l’automobile, c’est le cas désormais des trains et des avions, entre autres) et que les entreprises chinoises taillent dans les parts de marchés de leurs homologues européennes un peu partout dans le monde et plus particulièrement en Afrique.
Bien sûr, l’Union européenne n’est guère en position de force avec sa croissance molle, ses problèmes de cohésion (mis en lumière avec la crise de l’euro) face à une Chine à la forte croissance et aux capacités financières énormes. Et même si un retournement de situation n’est pas à exclure, tellement Pékin est incapable d’éviter la surchauffe grandissante de sa machine économique, il vaut mieux pour les Européens agir maintenant, pendant qu’ils gardent encore une marge d’indépendance qui pourrait bien s’amenuiser de plus en plus dans les années à venir. Faute de quoi, une voie royale serait ouverte à la Chine, voie qui ne bénéficierait qu’un temps à l’Europe avant que, mise sous tutelle et colonisée économiquement, elle entame son vrai déclin. C’est sans doute un scénario catastrophe mais il fait partie des éventualités à prendre en compte…
Alexandre Vatimbella
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