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vendredi 8 avril 2022

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. La dangereuse guerre contre «le système» au nom du «peuple»

Partout dans les pays démocratiques, lors d’une élection, les candidats, dont le sortant s’il se représente, veulent faire la guerre au «système».

Ce fut le cas d’Obama puis de Trump et de Biden aux Etats-Unis.

A chaque élection présidentielle américaine, tous les candidats font le même serment: s’ils sont élus, ils iront à Washington pour «réparer» le gouvernement  ainsi que lutter contre la bureaucratie et les politiciens qui profitent d’un «système» qui ne marche plus depuis longtemps.

C’est le cas, en ce moment, de tous les candidats sans exception à l’élection présidentielle française.

Mais qu’est-ce que cet énigmatique «système» et pourquoi cette volonté commune à le combattre?

Un système, c’est, selon sa définition commune, un ensemble d'éléments interagissant entre eux selon certains principes ou règles.

Pour ce qui nous concerne «le système» c’est, selon le CNRTL (Centre national de ressources textuelles et lexicales), l'armature économique, politique, morale, idéologique d'une société considérée comme un ensemble social rigide et contraignant.

Lutter contre «le système», c’est donc se battre contre l’ordre établi.

Mais, à l’inverse de l’ordre démocratique, par exemple, qui est légitimé par l’adhésion du peuple par les élections, celui-ci serait plutôt une organisation qui fonctionne en vase clos avec des règles particulières et qui se superposerait  à la démocratie républicaine, plus grave, pourrait interférer dans le fonctionnement de celle-ci, voire, pire, la phagocyterait et agirait à sa place.

On voit bien ici un concept qui peut rapidement conduire à des thèses élucubrationistes (complotistes) et à faire de cet hydre présumé le responsable de tous les maux possibles et imaginables.

Car «le système» est dénoncé comme s’appropriant une légitimité que personne ne lui a donnée et doit donc être combattu.

Le problème est qu’il est impalpable et qu’il n’y a aucun organisme centralisé qui le régit auquel on pourrait s’attaquer pour le détruire.

Car, s’il existe, «le système» c’est nous tous et non un Léviathan qui, dans l’ombre, agirait systématiquement  contre «l’intérêt général»  – s’il en existe un – pour l’intérêt de quelques uns ou, plus sûrement, pour son propre intérêt d’organisation.

C’est tellement vrai que lors d’une révolution «le système» ne disparait jamais…

«Le système» c’est en fait notre vie en société et est constitué de tous les rapports entre individus et les motivations et intérêts de chacun.

Vouloir le réduire à une bande de profiteurs occultes, eux-mêmes esclaves de son fonctionnement, revient à justifier une gesticulation et une rhétorique du faux changement mais aussi d’une impossibilité à changer réellement ce qui peut l’être.

Tout ce combat contre «le système» se fait, dans les discours politiques, au nom du «peuple».

Voilà encore une notion englobante qui ne veut pas dire grand-chose d’autre qu’une population soumise à l’autorité d’un même Etat.

D’autant que c’est bien dans ce «peuple» que l’on trouve les membres de ce fameux système et ses profiteurs.

Mais les profiteurs ne seraient-ce pas nous, tout simplement?!

Chacun de notre côté, nous privilégions d’abord notre intérêt et celui de nos proches ce qui nous amène à rechercher le plus souvent la meilleure option en notre faveur avant celle qui contente tout le monde.

De même, nous nous arcboutons sur nos situations acquises et nos privilèges qui font de nous des bénéficiaires du système.

On comprend bien que «le système» est une notion fourre-tout qui peut se retourner contre tous ceux qui l’utilisent.

Maintenant, s’il s’agit de faire la chasse à ceux qui s’enrichissent indûment, à ceux qui bafouent les lois à leurs profits et à ceux qui produisent de l’instabilité et de l’insécurité pour leurs propres objectifs, alors oui, nous devons agir.

Mais ils ne font pas partie d’un quelconque «système».

Tout au plus, comme les mafias, il peut y avoir des organisations qui se structurent pour parasiter la société et exploiter ses failles afin d’en tirer avantage.

Elles peuvent même parfois s’allier ensemble.

Cependant, jamais elles ne sont «le système» qui serait l’ennemi numéro un du «peuple».

Le seul résultat de cette rhétorique, c’est de flatter nos comportements paranoïaques et nos sentiments victimaires ce qui fait le lit de tous les extrémistes et populistes.

Alexandre Vatimbella