«La
 France ne se diminue pas quand libre de toute visée impérialiste et ne 
servant que des idées de progrès et d'humanité, elle se dresse et dit à 
la face du monde: ‘Je vous déclare la paix’».
Mais
 celui qui fut un des principaux architectes du rapprochement 
franco-allemand de l’entre deux guerres et qui reçut en 1926 le Prix 
Nobel de la paix pour cela (il mourut en mars 1932 avant l’arrivée au 
pouvoir d’Hitler) était tout sauf un pacifiste béat.
Ainsi, il disait aussi:
«Il
 ne suffit pas d'avoir horreur de la guerre. Il faut savoir organiser 
contre elle les éléments de défense indispensables. Mon pays peut le 
faire sans avoir à abandonner une politique de paix.»
Et il ajoutait:
«Il
 importe essentiellement en politique internationale de ne jamais 
démunir son pays des moyens dont il peut avoir besoin, non pas seulement
 pour lui mais pour la communauté des nations solidaires.»
Demeurer
 prêt à la guerre pour garder la paix: cette évidence était au cœur de 
son combat humaniste et de sa volonté de «plus jamais ça» tout en 
reconnaissant la réalité d’un monde où les jours de guerre sont plus 
nombreux que ceux de paix.
Onze
 fois président du conseil et longtemps ministre des Affaires 
étrangères, celui qui fut baptisé le «pèlerin de la paix» n’était pas de
 ceux qui ne font que des beaux discours et ne prennent pas leurs 
responsabilités dans l’action.
Pour
 que cette paix soit durable, il savait qu’il fallait une Europe unie et
 il était parfaitement conscient que le traité de Versailles façonné par
 Georges Clémenceau – qui le haïssait – avait été une occasion manquée 
en ce sens.
Promoteur,
 à l’instar de Victor Hugo, des «Etats-Unis d’Europe», il parle de 
manière prémonitoire de «Communauté européenne» et estime «qu’entre des 
peuples qui sont géographiquement groupés comme les peuples d’Europe, il
 doit exister une sorte de lien fédéral; ces peuples doivent avoir à 
tout instant la possibilité d’entrer en contact, de discuter leurs 
intérêts, de prendre des résolutions communes, d’établir entre eux un 
lien de solidarité qui leur permette de faire face, au moment voulu, à 
des circonstances graves si elles venaient à naître. C’est ce lien que 
je voudrais m’efforcer d’établir.»
Aristide
 Briand savait également que la paix, pour être réelle, devait avoir un 
soubassement légal dans les relations internationales:
«Il
 s’agit de fonder la paix du monde sur un ordre légal, de faire une 
réalité de droit de cette solidarité internationale qui apparaît comme 
une réalité physique.»
Le fameux pacte Briand-Kellogg signé en 1928 par une soixantaine de pays mettait «la guerre hors-la-loi».
Ce
 sont des personnalités comme lui et d’autres qu’il nous faut 
aujourd’hui pour que cette «déclaration de paix» demeure une réalité en 
Europe depuis près de 80 ans (malgré quelques anicroches épouvantables 
de l’ex-Yougoslavie à l’Ukraine) et qu’elle s’étende enfin sur toute une
 planète encore ravagée par les conflits où les populations civiles sont
 les principales touchées comme en Syrie ou au Yémen, en République du 
Congo ou en Birmanie.
Les
 centristes, gardiens du legs de Briand, doivent être en première ligne 
en défendant ce pacifisme lucide, cette paix qui ne se construit pas sur
 des abandons et des compromissions avec ses ennemis qui sont souvent 
ceux également de la liberté et de la démocratie républicaine.
Au
 moment où l’on commémore le centenaire de l’armistice de 1918, où tant 
de gens crurent que la guerre était enfin et définitivement reléguée 
dans les poubelles de l’Histoire dans une exaltation extraordinaire, 
rappelons-nous le sacrifice de ces millions de gens qui ne servirent à 
rien puisque la Deuxième guerre mondiale éclata vingt ans après (les 
deux conflits mondiaux sont souvent groupés par certains historiens 
contemporains qui parlent d’une même grande guerre mondiale avec un 
armistice de deux décennies entre ses deux phases) et que nous en sommes
 toujours à comptabiliser les millions de morts qui jonchent les champs 
de bataille mais aussi les champs et les villes de civils depuis la 
capitulation de l’Allemagne et du Japon en 1945.
Oui,
 la paix mais pas à tout prix, notamment à celui qui fait que ses 
ennemis en profitent pour créer le chaos grâce à la naïveté de certains 
pacifistes.
Fragile comme la démocratie, la paix à l’instar de la liberté, se défend sans concession.
Alexandre Vatimbella