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jeudi 26 avril 2012

L’EDITORIAL D’ALEXANDRE VATIMBELLA. Pour être légitime, la globalisation économique doit être loyale

Tout le monde sait qu’un monde sans règles est impossible à gérer. De même de toutes les activités humaines. Même la liberté n’est une vraie liberté que si elle comporte des règles qui consistent à respecter celle des autres.
Aucune personne normalement constituée ne peut prétendre le contraire à moins d’être un nihiliste ou un partisan d’une nature arbitre d’une lutte pour la survie entre tous les habitants de la planète où seuls les plus forts et les plus malins gagnent.
Heureusement, les civilisations ont montré que les êtres humains avaient choisi de suivre un chemin différent, celui qui leur permet de mettre en avant leurs talents de bâtisseurs et les éloignent de leurs pulsions destructrices.
C’est bien évidemment également le cas pour l’économie en général.
Ceux qui prétendent que l’économie de marché ne peut être qu’une jungle où le plus fort gagne toujours n’ont rien compris aux théories libérales des Smith, Locke et autres.
Seules des règles équitables pour tous organisant le marché afin que celui-ci soit le plus libre et le plus concurrentiel permettent le fonctionnement le plus efficace de l’économie. Il faut que la compétition qui crée les richesses soit loyale.
Alors, lorsque l’on parle d’une mondialisation régulée, rien de plus normal. Même s’il s’agit d’une globalisation libérale.
Celle-ci est un processus économique à la fois technique (de rationalisation de la production et des coûts) et commercial (d’échanges de marchandises et de services) qui produit de la richesse en-dehors de toute règle morale ou d’équité. Mais pas de fonctionnement.
Une mondialisation sans règle n’est qu’une jungle où seuls les plus forts et les plus malins sont les gagnants, pas les meilleurs.
Tout cela passe par une mondialisation loyale.
Ce caractère loyal n’est pas nouveau. La théorie économique dit bien qu’une vraie économie de marché nécessite une concurrence effective et loyale. Cela veut dire, notamment, que les marchés doivent être transparents et que l’information y circule également pour tous, que l’accès aux marchés soit libre, qu’il n’y ait pas de positions dominantes.
Bien évidemment, cet état économique n’existe «naturellement» dans aucun pays. Il faut donc que des règles soient posées et qu’elles soient respectées et donc qu’il y ait des contrôles de ce respect par les acteurs économiques.
Comme l’explique Michel Didier dans son ouvrage «Economie, les règles du jeu», «le laisser faire économique conduit rarement à la concurrence franche et loyale des manuels d’économie. Dans la lutte pour la survie économique, tous les moyens sont bons pour éliminer les concurrents et dominer le marché, au besoin par la force et – pourquoi pas? – en se protégeant derrière des barrières et des réglementations».
C’est tout le challenge de tous ceux qui estiment qu’il faut mettre en place ce genre de règles, au plus vite, dans la globalisation économique pour la rendre loyale (ce qu’elle n’a jamais été que ce soit au XXI° siècle mais aussi au XIX° siècle ou au XX° siècle).
Dans leur récent rapport au gouvernement, «En finir avec la mondialisation déloyale», Yvon Jacob et Serge Guillon expliquent que «les pratiques déloyales en matière de production et d’échange sont des sources de déséquilibres graves qui peuvent prendre un caractère systémique pour l’économie mondiale».
Selon eux, «instrument de conquête ou de protection des marchés pour certains pays, la concurrence déloyale se développe».
C’est un constat que tout observateur de la globalisation économique peut faire depuis des années.
Celui est aujourd’hui repris par les politiques des pays avancés qui expriment un ras-le-bol de leurs populations qui demandent que tout le monde, pays émergents et pays en développement, en particulier, évidemment, la Chine, respectent les mêmes règles.
Peut-on, en effet, accepter que ceux qui sont en retard de développement s’assoient sur les règles communes du commerce international? Surtout, quand ces pays rattrapent les autres, peuvent-ils encore arguer d’un retard de moins en moins important pour justifier leurs manquements?
Quand la Chine devient la deuxième puissance économique mondiale, peut-elle encore s’exonérer du respect des règles au motif qu’une partie de sa population est toujours très pauvre alors que ses pratiques déloyales appauvrissent des populations dans d’autres pays?
Comme l’écrit le rapport, «la gravité de la situation a toutefois permis de réaffirmer récemment l’importance du principe de réciprocité, c’est-à-dire de l’octroi de concessions en échange de contreparties équivalentes. Ce principe très ancien est l’un des fondements du système multilatéral».
Reste, bien sûr, à le mettre en pratique dans les faits.
Comme, par exemple, ouvrir les marchés publics européens qu’aux entreprises dont les pays font de même avec les entreprises européennes. Donc, en exclure la Chine actuellement.
Toutefois, il semble bien que l’ère d’une mondialisation débridée touche à sa fin.
Les résistances seront malgré tout fortes mais on ne voit pas comment les gouvernements des pays avancés pourraient renoncer à ce qui est un préalable incontournable à un retour d’une vraie croissance pour leurs économies.
Ce que Yvon Jacob et Serge Guillon traduisent par cette formule, «La régulation économique et commerciale est aujourd’hui un enjeu aussi important que la régulation financière».
Pour les populations du monde et plus particulièrement celles des pays avancés (mais cela concernera, tôt ou tard, celles des grands pays émergents alors que de nouveaux acteurs «low cost» comme le Vietnam apparaissent), la mondialisation doit être loyale pour être légitime.
Elle doit obéir à des règles communes, être honnête et équitable. Vaste programme mais indispensable afin d’éviter que les pays ne se renferment sur eux-mêmes derrière un protectionnisme encore plus dévastateur. Une situation qui engendre souvent des comportements violents.
Alexandre Vatimbella
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